Coup sur coup deux enquêtes, dans les magazines Médor et Marianne, interpellent sur la santé des médecins. « La prévention de proximité pour les médecins en difficulté est plus que jamais une priorité » pour Jean-Jacques Rombouts, Vice-Présidenrt de l'Ordre des médecins.
« Les médecins spécialistes boivent près de deux fois plus que le reste des citoyens. Les gynécologues, les anesthésistes, et les chirurgiens sont parmi les plus touchés. Ils sont pourtant bien au courant des dégâts causés par l'alcool mais le stress, la charge émotionnelle, la recherche de la performance pour être plus rentables les poussent parfois à boire. » L'enquête du magazine Médor est sans détour. Pour Jean-Jacques Rombouts, vice-président du Conseil national de l'Ordre des médecins, « les spécialistes et les médecins font partie d'un groupe de la population où il y a des comportements inappropriés comme ailleurs. Notre rôle c'est de protéger les patients et de mettre en place une prévention pour les médecins comme nous le faisons avec la plateforme "Médecinsendifficulté.be. » Pour lui, lorsqu'un médecin a un problème, la plateforme peut intervenir immédiatement : « Elle peut être contactée par le médecin lui-même, un confrère, un proche ou un patient. Le médecin est alors dirigé vers un médecin de confiance qui va l'aider à gérer cette difficulté qui peut être liée à l'alcool mais aussi au stress, burn out ou à d'autres problématiques sociales. »
Un interniste écarté
La proximité est la priorité de l'Ordre : « Dans les hôpitaux, devant ce type de situation, il y a un contrôle interne dans la salle d'opération, mais aussi un médecin-chef et un conseil médical qui veille sur les médecins fatigués ou qui ont des problèmes d'alcool notamment. Nous avons aussi une commission médicale provinciale qui est garante de la capacité physique et mentale des médecins. » Il le reconnaît ce type de situation existe : « Lorsque j'étais médecin-chef, nous avons écarté un interniste qui devait boire lorsqu'il se trouvait devant un cas difficile. Il a été réorienté vers des tâches administratives. »
Les chiffres
Pour rappel, dans une enquête menée par des chercheurs de l'Université d'Anvers qui ont interrogé 1.500 médecins et spécialistes, 18% des répondants reconnaissaient avoir une consommation d'alcool problématique. Les plus touchés, étaient les gynécologues, les psychiatres, les anesthésistes et les chirurgiens. Cette enquête montrait également que parmi les spécialistes de plus de 65 ans, plus de 33% étaient concernés par cette problématique. En 2012, le journal De Morgen, d'après cette enquête menée par le professeur Geert Dom (Universiteit Antwerpen), avait dévoilé qu'un médecin spécialiste sur cinq, âgé de plus de 55 ans, était confronté à des problèmes d'alcool. Ces dernières années, un médecin notamment avait témoigné sur cette situation, le Dr. Olivier Ameisen dans son livre « le dernier verre. »
Les médecins ne sont pas des héros
Le Dr Thomas Orban, président de la SSMG et médecin spécialisé dans la prise en charge des personnes souffrant d’un mauvais usage de l’alcool, entend remettre les chiffres dans leur contexte: « Les médecins rencontrent au travers de leur consultation 25% de patients qui ont un mésusages avec l’alcool. »
Face à la problématique soulevée aujourd’hui, il veut que la prévention dans le suivi des médecins ayant un problème d’alcool se poursuive : « Les médecins sont des personnes comme les autres. Il ne faut pas demander au médecin d’être un héros surtout, lorsqu’ils sont en situation problématique avec l’alcool. Ils doivent être aidés et pas culpabilisés. Ils sont souvent conscients lorsqu’ils ont un problème d’alcool que la situation n’est pas normale pour un médecin évidemment. »
Il attend également un sursaut des autorités fédérales : « L’Etat ne prend pas assez soin du bien-être des médecins. On leur en demande de plus en plus tout en leur donnant moins de salaires et en augmentant les charges administratives. Par ailleurs, dans la société belge, aucune réelle politique d’amélioration de l’encadrement de l’accès à l’alcool n’est menée par la ministre de la santé. Ce n’est pas normal. L’ensemble de la population mérite une meilleure politique en la matière.»
> Voir le reportage de la RTBF
Surconsommation d’Alcool, burnout , suicides au travail. Les médecins vont mal , n’est-il pas temps de s’inquiéter ? @drbejj @j_detoeuf
— depuydt caroline (@DepuydtCaroline) 5 septembre 2018
Devant l’importance du phénomène, l’Ordre des Médecins a créé, voici deux ans, une plateforme en ligne conçue pour aider les médecins qui ne peuvent plus contrôler la pression. 217 y ont déjà fait appel. https://t.co/jlRP9aqu6n
— Le Spécialiste (@JdS_SK) 5 septembre 2018
On stigmatise, on balance, on crashe... le #médecinbashing continue. Quid du #bienêtre du médecin ? Du harcèlement qu’ils subissent (de l’assistant au jeune médecin cherchant sa place etc.) ? Qui s’intéresse à la qualité de notre #vie ? @absymtweets @RTBFinfo @Maggie_DeBlock https://t.co/dL3C02HbFB
— Gilbert Bejjani (@drbejj) 5 septembre 2018
Derniers commentaires
Alain Bachy
07 septembre 2018Je suis un peu surpris par les résultats de l'étude.
Lorsque j'ai commencé ma carrière professionnelle à l'hôpital en 1970, il était fréquent de boire à l'hôpital et tout était prétexte à fêter: premier accouchement, premier forceps, première césarienne, première appendicite, fin de stage, anniversaire du service, Ste Elisabeth, St Luc, fin de journée de travail, nouvel associé,... A juste titre, la direction de l'hôpital a mis le holà à cette pratique. De plus, comme tout un chacun, les médecins ont été informés des dangers de la consommation d'alcool lorsque ceux-ci ont été mieux connus. Dans mon hôpital, l'alcool a quasiment disparu, et ce bien avant l'interdiction du tabac.