Depuis que les syndicats médicaux ont interpellé Frank Vandenbroucke sur la problématique des bugs informatiques, rien ne s’arrange, contrairement aux dires du Ministre qui semble minimiser la situation. Le monde médical est furieux et ses représentants ne lâcheront pas prise sur la question.
C’est un véritable mythe de Sisyphe : chaque fois que les médecins se plaignent du mauvais fonctionnement des services informatiques, on leur répond que cela va s’améliorer dans les plus brefs délais. Mais « Sœur Anne ne voit rien venir », bien au contraire. C’est comme si les efforts sans cesse répétés de la part des médecins pour forcer l’amélioration ne servaient à rien. Et bien souvent - trop souvent – la journée des prestataires de première ligne est alourdie par des pertes de temps et des impossibilités de compléter les dossiers, d’accéder aux formulaires ou encore d’effectuer une facturation.
Devant cette inertie, les syndicats sont intervenus maintes fois. Le GBO/Cartel en est même arrivé à demander aux prestataires de première ligne de signaler leurs difficultés via le formulaire de notification eHealth bugs. Ce formulaire de notification devrait leur permettre d’évaluer l’ampleur du problème en répertorier le type de problèmes rencontrés et d’en estimer la fréquence. Et ainsi de faire plus forte pression sur les responsables des outils à l’origine des problèmes (plateforme eHealth et MyCarnet e.a.), outils informatiques pourtant censés faciliter la vie des médecins. Les résultats ne se sont pas fait attendre : les notifications s’enchaînent, sans compter le nombre de mails reçus de la part des médecins pour illustrer de manière plus détaillées les problématiques rencontrées.
Pour le GBO/Cartel,« c’est dans ces mails qu’on sent vraiment l’exaspération des médecins sur le terrain, ils ont le sentiment que nos autorités ne prennent pas la mesure des problèmes que cette défaillance des outils e-santé engendrent dans leur pratique quotidienne. Sans parler de la surcharge administrative que ces problèmes occasionnent au quotidien. ». Et d’expliquer que tous les outils e-santé importants sont concernés. Cela va de MyCareNet à Recipe, en passant par EBM Linker et la facturation électronique. Le GBO/Cartel est bien décidé à ramener le débat sur ce problème majeur à la Médico-Mut de la semaine prochaine : « Nos représentants comptent bien s’assurer que, dès à présent, des initiatives concrètes sont en réflexion au niveau de la CNMM afin que les bénéficiaires de la prime de soient pas pénalisés par ces problèmes récurrents avec les outils e-santé. »
Le Dr Luc Herry (ABSyM) va dans le même sens : « Cela commence à nous rendre littéralement fous », dit-il, « au point qu’on peut même craindre que l’un ou l’autre confrère ne perde réellement les pédales ». l’ABSyM a interpellé l’Inami aussi bien que le Réseau Santé Wallon. Il semble que le problème se situe au niveau de certaines mutuelles. En réalité, e-Health dispose de deux systèmes de secours, tandis que MyCareNet n’en a pas.
Résultat : si MyCareNet est bloqué, e-Health l’est aussi. « Ces systèmes sont financés à coups de millions et ne parviennent pas à être à la hauteur, alors qu’on veut nous imposer le ‘tout électronique’ », dit Luc Herry. Et de citer l’exemple de cabinets de groupe où les mutuelles chrétiennes n’ont pas intégré le fait qu’un patient diabétique peut être suivi par différents médecins du même cabinet. « Un de mes patients vient de perdre son trajet de soins sous prétexte que je ne le voyais pas assez souvent. Mais entre ses consultations chez moi, il est vu par d’autres membres de l’équipe. Cela n’a pas été pris en compte ». Ou encore : « un patient me revient parce que ma prescription n’est pas accessible pour le pharmacien, alors que dans mon logiciel, c’est sensé lui être parvenu ». Ces exemples, pris dans le quotidien, parlent d’eux-mêmes.
Derniers commentaires
Francois Planchon
17 mars 2024Et les bugs, ce n'est pas uniquement pour la Santé Publique : demandez donc à vos comptables respectifs ce qu'ils pensent de la connection par Eid vers le SPF des Finances ... et le nombre d'heures perdues.
Un état de droit n'est plus crédible quand les exigences sont à sens unique...
Charles KARIGER
13 mars 2024Bien d’accord !
• Les généralistes, s’ils veulent faire de la « bonne médecine » aussi ont besoin d’enregistrer des faits relatifs à la famille de chaque Patient et des évènements de leur vie strictement privée. Même pour les mineurs. Ce n’est pas pour rien que l’on parle de « Médecin de famille », « Huisarts », « Family doctor », "Hausarzt",...
• Nécessité également d’enregistrer des hypothèses parfois lourdes de sens, toute sorte de « caveat » essentiels (« Penser néo ! », « Rappel : Mère souffre de ***», « Tendances paranoïaques ??? À surveiller.», «Problème d’alcool ? » etc) dans un dossier bien tenu. Mais ceci n’a rien à faire dans les « machins partagés publics » actuels.
• Il faut aussi parler crûment d’argent.
En fait, ces « machins » sont essentiellement conçus pour épargner à l’INAMI et à ses coûteux intermédiaires mutualistes politiques le travail et les frais d’encodage des prestations et produits de soin. Ce fardeau est refilé aux soignants. À leur frais ! Les « primes » ne couvrent en effet que très partiellement les dépenses (matériel, logiciels, maintenance,…) et le travail que nécessite ces encodages. De surcroît, les primes ne participent pas au calcul des pensions des soignants ainsi roulés.
• Cocus et contents, les soignants ont accepté cela sans que les rentrées correspondantes des mutualités ne soient transférées aux soignants.
Le reste est de l’emballage, de la réclame. Jamais aucune étude n’a démontré une « amélioration de la qualité des soins » dans quelque pathologie que ce soit procurée par l’électrification des dossiers.
Philippe DEGEEST
11 mars 2024Surcharge de travail inutile, rassemblement des données potentiellement utilisables contre les patients et risque élevé de piratage. Je suis personnellement entré en conflit sévère avec Vivalia (Sud Luxembourg) à ce sujet car la vie privée était beaucoup trop dangereuse à mettre sur ordinateur... Si un confrère a des questions, il me téléphone simplement. Résultat: Vivalia s'est faite pirater toutes ses données par des hacker russes l'année passée. Je suis psychiatre et quand on parle de meurtre, de viol, d'inceste, de violence conjugale atroce,... Ces données n'ont pas leur place sur un ordinateur... Sans compter que c'est excellent outil pour encore un peu plus contrôler et surveiller les médecins (nombre de patients, prescriptions,...) alors que la confiance, après 13 ans d'étude et le serment d'Hippocrate devrait régner . C'est limite pervers cette informatisation forcée.
Quant à l'article sur la paupérisation des médecins, ce n'est plus même plus un sujet de débat sauf certaines spécialités...