La publication du rapport de PwC commandé par l'Association Belge des Directeurs d'Hôpitaux (ABDH) sur la mise en œuvre des soins de santé basés sur la valeur dans les hôpitaux belges a provoqué un débat houleux à la Chambre. Les questions des députés Irina De Knop (Open VLD), Dominiek Sneppe (VB), Jan Bertels (Vooruit), Frieda Gijbels (N-VA) et Natalie Eggermont (PVDA-PTB) ont interpellé directement le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke.
Irina De Knop a immédiatement attaqué la norme de croissance qu’elle juge excessive : « Votre remède, ces recettes de gauche, ne fonctionnent pas. Le secteur aujourd’hui, l’étude de PwC, ou encore le FMI, tous arrivent à la même conclusion : “plus” n’est pas la solution. On jongle ici avec des taux de croissance de 2, 2,5, 3 %, sur un budget de 40 milliards par an. C’est comme si nous étions sur un marché à crier des pourcentages au hasard. Nous devons investir dans la prévention, l’efficacité et les nouvelles technologies. Cela est bénéfique non seulement pour les patients, mais permet aussi d’économiser 5 milliards d’euros par an. »
Dominiek Sneppe a critiqué la médecine basée sur les actes : « Ce modèle entraîne un gaspillage des ressources et une augmentation des coûts. Selon le rapport de l'ABDH, cela représente 16,6 milliards d’euros. Réfléchisez-y un instant (…) Nous devons évoluer vers un modèle de soins axé sur les résultats, c’est-à-dire visant à améliorer les résultats pour les patients plutôt que de se concentrer sur les coûts pour y parvenir. La digitalisation de notre système de santé doit également être bien meilleure et plus rapide. » Et d'interroger le ministre : « Que comptez-vous faire de ce rapport ? Comment allez-vous mettre un terme au gaspillage de 16,6 milliards d’euros ? »
Jan Bertels a adopté une position nuancée, rappelant d’une part que les directeurs d’hôpitaux demandaient la poursuite des réformes : « Continuer à réformer, Madame De Knop. » D’autre part, il a exprimé ses préoccupations face à la pénurie de personnel soignant : « Lorsque nous visitons un hôpital ou que nous y sommes admis, nous ressentons tous ce problème. (…) Le gouvernement avec les socialistes a déjà pris des mesures avec le Fonds blouses blanches et a mis en œuvre un accord social. Nous avons agi dans des moments difficiles. Devons-nous aller plus loin ? Absolument. »
Un Fonds blouses blanches critiqué par Frieda Gijbels : « Les chiffres de votre cabinet montrent que ce Fonds n’a absolument pas permis de créer 5 000 équivalents temps plein supplémentaires, comme vous le prétendez. Le nombre d’infirmiers dans les hôpitaux a même diminué par rapport à 2019. Chez les aides-soignants, il n’y a qu’une augmentation limitée. Comment se fait-il que, sous le gouvernement Vivaldi, plus d’argent que jamais ait été alloué à la santé, alors que les problèmes sont plus graves que jamais ? »
Pour Natalie Eggermont, le budget de la santé doit augmenter chaque année pour faire face au vieillissement de la population : « C’est pour cela que nous avons une norme de croissance, aujourd’hui remise en question. (…) Les partis de droite touchent aux primes pour le travail de nuit et du week-end. C’est une attaque directe contre les membres du personnel soignant, qui doivent travailler plus longtemps pour une pension moindre et avec davantage de flexibilité. »
« Des scanners en fonction des besoins de la population »
Le ministre Vandenbroucke a salué le rapport de PwC, le qualifiant d’« excellent », et a répondu à Irina De Knop : « Vous parlez de “recettes de gauche” (…) Ce rapport est simplement rempli de bonnes solutions. » Il s’est ensuite adressé à Frieda Gijbels : « Nous avons déjà investi, certainement pas assez, mais le Fonds blouses blanches a permis de recruter 5 100 personnes dans les hôpitaux, en équivalents temps plein. Il y a peut-être eu une confusion sur les chiffres que j’ai donnés, mais ce sont bien 5 100 personnes supplémentaires grâce à ce Fonds. Le salaire de départ pour les infirmiers, aides-soignants ou employés administratifs est également bien meilleur qu’il y a cinq ans.
Dans un prochain gouvernement, une nouvelle et importante augmentation des investissements devra être réalisée dans un nouvel accord social. » Il a fait référence à l’agenda futur, mettant en avant la qualité du travail, le rôle de la technologie, la digitalisation et la réduction des charges inutiles.
Le ministre a aussi insisté sur la réduction des actes superflus : « Il y a trop de scanners inutiles. Combien de fois devons-nous encore le dire ? Nous devons sortir de la médecine à l’acte. Cela signifie, par exemple, que nous financerons les hôpitaux en fonction des besoins réels de la population pour ce qui concerne les scanners. Nous ne pouvons pas continuer à financer la multiplication infinie des examens et des prestations. Est-ce de gauche ou de droite ? Non, c’est simplement moderne. Nous devons davantage financer sur base de la qualité. C’est aussi dans le rapport. »
Vandenbroucke a également souligné un point qui, selon lui, n’apparaît pas dans le rapport : « Il y a trop de lits d’hôpitaux. Nous devons réfléchir au nombre de lits nécessaires à long terme et à la manière dont nous pouvons les utiliser davantage pour les soins de longue durée, et moins pour les soins aigus, pour lesquels les patients restent aujourd’hui encore hospitalisés. Nous devrons donc oser concentrer les soins, également dans l’intérêt du personnel infirmier. »
Une fin de débat agitée
Irina De Knop a reproché au ministre son manque de résultats en matière de réforme au cours des cinq dernières années : « Apparemment, il est interdit de dire la vérité. »
Dominiek Sneppe est revenue sur les 16,6 milliards d’euros de gaspillage, qu’elle situe principalement au sud du pays : « Je souhaite transmettre un message pour les négociations futures – bonjour la N-VA – arrêtez ce gaspillage et travaillez à une scission complète des soins de santé. »
Dans un final agité, les députés se sont renvoyé les reproches. Jan Bertels a accusé De Knop de bloquer les réformes nécessaires en s’opposant au budget. Frieda Gijbels a critiqué les chiffres avancés par le ministre, affirmant qu’ils contredisaient ses déclarations publiques. Natalie Eggermont a conclu en suggérant à Gijbels de lire une interview de Theo Francken dans le magazine flamand Humo, où il défend des économies dans la sécurité sociale pour financer la Défense : « Une lecture intéressante. »
> Télécharger le rapport de PwC
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