Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a été chargé de faire le point sur l'état des lieux des soins intégrés en Belgique et d’identifier les points d’action pour mener à bien pour une transition vers davantage d'intégration des soins. Après une large consultation des acteurs de terrain, trois priorités ont été dégagées : un accord politique clair, une définition des territoires, une réforme du financement des soins. La sortie d'un Plan interfédéral Soins intégrés est attendue début 2024.
"Face aux défis du vieillissement de la population et de l’augmentation des maladies chroniques, notre système de santé doit évoluer" explique mardi le KCE dans un communiqué. "L’organisation actuelle, basée sur le traitement aigu des maladies, doit progressivement déplacer son centre de gravité vers la personne prise dans sa globalité et sur le long terme." Les « soins intégrés » sont souvent considérés comme un moyen de réaliser cette transition.
Des soins qui transcendent les secteurs
Qu’entend-on au juste par « soins intégrés » ? Les définitions sont multiples, mais on peut dire, pour simplifier, qu’il s’agit de soins fournis selon un continuum qui va de la promotion de la santé et la prévention des maladies, au diagnostic, au traitement, à l’accompagnement à long terme en cas de maladie chronique, à la réadaptation et aux soins palliatifs, en fonction des besoins des patients, et ce tout au long de leur vie.
Cela implique une coordination non seulement de tous les acteurs au sein du secteur de la santé, mais aussi au-delà, avec une inclusion des services sociaux et de l’aide à la personne.
Une large consultation du terrain
À la demande du ministre Frank Vandenbroucke, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a consulté un large éventail de professionnels et d’experts de la santé et du social, ainsi que des patients, afin de dresser l’état des lieux des soins intégrés en Belgique et d’identifier les actions à mettre en place pour aller plus loin. Cette étude a été menée en collaboration avec l’Institut de Recherche Santé et Société de l’UCLouvain, ShiftN, la PAQS, Profacts et Hict.
Des initiatives déjà en cours mais dispersées
Il existe déjà des initiatives de soins intégrés dans notre pays, notamment sous la forme de projets pilotes. Les différentes réformes en cours tant au niveau de l’État fédéral que des entités fédérées (p. ex. la réforme des hôpitaux, Proxisanté en Wallonie, les ‘eerstelijnszones’ en Flandre…) visent également une plus grande intégration des soins. Par ailleurs, les soins intégrés recouvrent de nombreux secteurs qui ont souvent aussi leurs propres plans et réformes politiques. Toutes ces initiatives apparaissent aux yeux des acteurs de terrain comme dispersées ; ils ne distinguent pas directement les liens et les priorités entre elles. Néanmoins, les acteurs interrogés ont manifesté une réelle volonté commune de s'engager, même si le sujet est à l'ordre du jour depuis de nombreuses années. Il est donc temps d’aller de l’avant !
La priorité : un accord politique !
Au terme de ce processus de consultation, trois priorités ont été dégagées. En premier lieu, il est nécessaire de définir un cadre politique clair. Les parties prenantes en appellent à un accord de collaboration interfédéral dans lequel tous les niveaux de pouvoir coordonneraient leurs différentes initiatives et définiraient ensemble les réformes et autres initiatives qu'ils souhaitent mettre en œuvre (NB : depuis lors, ceci a déjà été amorcé via le développement d'un Plan interfédéral sur les Soins Intégrés).
Privilégier une approche territoriale
En second lieu, les participants sont globalement d’accord pour dire que le développement des soins intégrés en Belgique doit se faire selon une approche territoriale. Cela permet de bien cerner les besoins de la population bénéficiaire (approche populationnelle) et d’identifier les partenaires avec lesquels on peut collaborer. La plupart des initiatives et réformes des soins de santé citées plus haut reposent déjà sur une base territoriale, et il en va de même dans le secteur social et de l’aide à la personne. Le problème est ici encore que ces différentes zones géographiques sont difficilement articulables entre elles.
Plusieurs questions doivent donc être résolues au niveau politique avant de pouvoir aller plus avant : comment aligner les différentes approches territoriales existantes ? Quelle est la taille optimale d'un territoire ? Comment chaque territoire doit-il être géré ? Aucune réponse claire et nette ne ressort de l’étude, chaque approche présentant ses propres avantages et inconvénients.
Renforcer les collaborations
Une chose est cependant certaine : quel(s) que soi(en)t le(s) niveau(x) choisi(s), il sera indispensable d’y renforcer la première ligne de soins et la collaboration entre intervenants. Ce « maillage multidisciplinaire » autour du patient devrait idéalement inclure des acteurs de la santé préventive, somatique et mentale, du secteur social et de l'aide à la personne, tant en ambulatoire qu’au niveau hospitalier. Une telle évolution passe nécessairement par l’utilisation d’outils numériques communs, par exemple en facilitant l’accès des uns et des autres aux informations pertinentes, en rémunérant les temps de coordination, etc.
Réformer le modèle de financement
La troisième priorité est une réforme du système de financement des soins, qui est actuellement principalement basé sur le volume de soins prestés (paiement à l'acte). Un tel système est en effet considéré comme l'un des principaux obstacles à l’intégration des soins, car il ne comporte pas suffisamment d'incitations à la collaboration, à la coordination et à la prévention. Il faudrait idéalement tendre vers un modèle de financement mixte, avec, à côté des paiements à l’acte, une part de financements alternatifs (p. ex. forfaitaires) non directement liés au nombre de prestations, ainsi que des incitants à la qualité. Les récentes réformes politiques vont déjà dans ce sens, par exemple la réforme du financement des hôpitaux, qui comprend des premiers pas vers des paiements groupés visant à renforcer la continuité des soins et à décourager les tests et examens redondants. Autre piste à suivre : les discussions actuelles autour du New Deal pour la médecine générale.
Si le passage à des soins (plus) intégrés devrait en théorie mener à terme à un retour sur investissement (p. ex. renforcer la prévention peut réduire à long terme les coûts des soins curatifs), il est illusoire de penser que renforcer la multidisciplinarité, soutenir la 1e ligne et réformer le système de financement puisse être neutre à court terme pour le budget des soins de santé. Au contraire, avertissent les chercheurs, il faudra probablement prévoir un investissement initial substantiel.
Derniers commentaires
Jean-Louis MARY
06 octobre 2022La personne prise dans sa globalité sur le long terme ?
Ce que tout généraliste fait déjà!
Le concept des soins intégrés a été introduit par L Onckelinx et proposé sans succès par M Deblock en 2016 ….prochain round en 2024 soit 10 ans plus tard et plusieurs millions en fumée plus tard
Vive l’incompétence de nos ministres de la santé.