La situation des médecins hospitaliers est grave, et leurs perspectives sombres. Contraints d’arrêter tout travail hors urgences et COVID pendant 2 mois, le retour à la normale est rendu impossible par le blocage de lits réservés pour l’accueil COVID, et l’obligation d’espacer leurs rendez-vous en consultation. Les gestionnaires hospitaliers ont augmenté les prélèvements sur honoraires INAMI et sur les suppléments.
Le public et les politiques ignorent tout de la réalité hospitalière, ou préfèrent ne pas voir. Le gouvernement compense la trésorerie des hôpitaux, le parlement vote un budget complémentaire annuel de 400 millions pour les infirmiers, la première ligne est soutenue.
Les spécialistes hospitaliers encourent la double peine : pas de soutien financier, et encore plus de prélèvements.
Petit rappel : les charges hospitalières et le budget BMF croissent de 4 à 6% par an depuis 10 ans, les honoraires de 2 à 3 %. Le coût des accords sociaux de 1992 en faveur du personnel hospitalier a été compensé dans le BMF, et pour les frais du personnel à charge des médecins dans une partie B6 du budget, sans que ces montants soient jamais déduits des frais portés à leur charge. Le coût des accords sociaux RTT est compensé dans la partie B9, mais rien n’est prévu pour les médecins qui paient leur personnel. Il en va de même pour les coûts liés à la nouvelle classification des fonctions infirmières. Idem pour les coûts de l’informatisation.
Dans ces conditions, puisqu’il n’y a aucune perspective de voir augmenter les honoraires des actes médicaux, il faut impérativement réduire les charges qui pèsent sur ceux-ci. Il s’agit ni plus ni moins de retrouver l’orthodoxie budgétaire et comptable. Le monde hospitalier agit hors la loi depuis bien trop longtemps.
À titre d’exemple, les honoraires de surveillance du patient hospitalisé, et ceux générés au quartier opératoire, sont générés en des lieux dont les frais sont inclus dans le budget des moyens financiers hospitaliers, et font cependant l’objet de prélèvements par les gestionnaires, allant jusqu’à 40%. Illégale, cette pratique existait avant la publication de la Loi sur les hôpitaux 1987, et perdure encore. Autre exemple : la rétrocession calculée par pourcentage pour les frais de pratique, inscrite comme une possibilité dans la Loi, est quasi généralisée, alors même que ces pourcentages ne reflètent le plus souvent pas du tout la réalité des frais consentis.
Les médecins doivent exiger la totale transparence, la clarté sur les coûts imputés, la liberté de les refuser.
Ils doivent exiger le respect de la loi : trop souvent, les informations qu’ils doivent recevoir ne leur sont pas fournies.
Il est temps d’arrêter l’hypocrise et de mettre le holà à ce système dichotomique malsain.
Les hôpitaux, objets de la bienveillante attention des autorités subsidiantes, se servent sur des honoraires qui n’ont pas été déterminés en tenant compte de ces charges, alors qu’il leur appartient d’aller chercher les moyens nécessaires chez ceux qui dispensent les budgets, et pas chez les médecins.
Concrètement, le Gouvernement doit ENFIN publier l’arrêté royal exécutant l’article 155 §3 de la Loi sur le hôpitaux, qui définira précisément les frais mis à charge des médecins : nature et montants.
La conversion des frais en pourcentage des recettes doit être interdites. C’est un moyen illicite d’enrichissement du tiers gestionnaire, contraire à la Loi sur l’Exercice des Professions de Santé, dans la mesure où le pourcentage ne reflète pas intégralement les charges réelles. Enfin, il faut mettre fin à la grande comédie de la contribution financière des médecins à la « promotion » de l’hôpital, au travers de multiples fonds de solidarité, de soutien, d’encouragement, d’aide sociale. Ces dispositifs figurant dans l’article 155 §4 sont aujourd’hui le « camion balai », où le gestionnaire loge volontiers des activités non rentables, les mettant ainsi à charge des honoraires médicaux via les rétrocessions. Dans ce domaine, limitons-nous à la possibilité de financer, de façon temporaire, un projet médical innovant.
N’oublions pas que tout ce système aboutit, aussi à encourager certains médecins à la surproduction d’actes.
Les honoraires des spécialistes hospitaliers sont réduits à la portion congrue. Il faut exiger la simple application de la Loi sur les hôpitaux, et obliger les gestionnaires à la respecter. Faire cesser tout ce système hypocrite, en prenant très rapidement -dès avant la fin 2020, les mesures nécessaires.
Derniers commentaires
Marc VAN LAER
05 juillet 2020Merci beaucoup Dr de Toeuf pour cet article tellement actuel.
Depuis des mois et même des années, mes collègues et moi-même, chirurgiens et autres spécialistes travaillant à Ste Elisabeth Heusy devenu depuis peu CHC-Heusy, nous demandons plus de transparence concernant la gestion financière du CHC et surtout concernant la gestion financière de nos honoraires et des frais qui nous sont imputés.
Jamais nous n'avons eu de réponse claire et précise de la part du PO et de la direction financière. Le calcul des frais est totalement incompréhensible tellement il est flou voir opaque. Des erreurs grossières ont été relevées mais nous parvenons pas à savoir si elles ont été corrigées.
Depuis que nous sommes devenu un conseil médical unique (avec 2 numéros d'agrément cependant) une nouvelle Réglementation Générale Unique (y compris financière) a été validée et adoptée par notre Conseil Médical , présidé par...Ph. Devos , avec effets rétroactifs au 01 janvier 2019.
Les prélèvements sur honoraires des chirurgiens à Heusy dont les miens sont alors passés de 29,5% à 40% sans que nous puissions contrôler réellement les charges qui nous ont été comptées.
Par contre, il est vrai, certains collègues s'en sortent mieux: ils ont vu leurs prélèvements diminués puisque leurs honoraires sont "purs"! Et oui, ils n'utilisent aucuns locaux, aucuns couloirs, aucunes chambres de gardes, aucuns parking pour leurs voitures, aucuns vestiaires de S.Op, , aucuns bureaux de consultations de préhospitalisation, aucun secrétariat, aucune téléphonie, aucune informatique, aucune infirmière de salle d'opération, puisse que leurs honoraires sont purs...(j'essaie de trouver le texte de loi où est noté que certains spécialistes hospitaliers ont des honoraires purs mais je n'y parviens pas. Pourquoi cette différence? Nous devrions tous avoir des honoraires purs. Alors, la notion de supplément n'a plus de raison d'être. Peut-être pouvez-vous m'aider?).
La direction générale nous somme de signer la nouvelle convention de collaboration avec le CHC sous peine de ne plus être agréer dans le centre hospitalier.
Nos avocats conseils nous le déconseillent formellement: Il est clairement écrit dans cette convention que " la signature de la présente convention VAUT la signature de la réglementation générale " que nous dénonçons.
Il est grand temps que nous puissions travailler en toute sérénité et que cet hold-up hospitalier sur les honoraires médicaux cesse.
Il est grand temps que l'Absym se réveille et tire les oreilles à son président...
Marc Van Laer
Jean-Pierre GHOSEZ
04 juillet 2020Jacques de Toeuf a parfaitement raison
Junior HEINTZ
03 juillet 2020Il y a une trentaine d' années, j'avais demandé aux chambres syndicales "Liège-Luxembourg" d' agir dans ce sens.
le bureau de l' époque n' a jamais voulu en entendre parler, arguant que c' était là le seul moyen de pression que les médecins avaient sur le gestionnaire....
Petite anecdote remontant aux années soixante: le gestionnaire de l'époque avait demandé à mon père, ophtalmo et ORL à l' hôpital de Bastogne où j' opère encore actuellement, de ristourner UN (!!!) % de ses honoraires par solidarité!
Mon père avait vertement répondu: Quoi? VOUS payer pour mettre MES malades dans VOS lits? mais c' est VOUS qui devriez me payer pour que j' accepte de mettre MES malades dans VOS lits...
maintenant, nous en sommes à 30%...et ce n' est sans doute pas fini...
Albert Heintz Bastogne
Jacques MAIRESSE
03 juillet 2020problème en partie réglé si on applique une comptabilité basée sur les frais réel... résolu dans notre hôpital depuis les années 1970...