Le Gouvernement a défini la feuille de route budgétaire de l’Assurance Maladie pour la durée de la législature. Nombreux furent ceux qui applaudirent l’augmentation de la norme annuelle de croissance budgétaire à 2,5%. Nous y souscrivons aussi. Cependant, il faut comprendre les éléments constitutifs de la norme et ce quelle comprend.
Le Bureau du Plan estime que, à politique inchangée, les dépenses liées à la démographie (vieillissement et augmentation de la population) croîtront de 2,5%. C’est identique à la nouvelle norme. Mais celle-ci, selon la feuille de route gouvernementale, doit aussi permettre de financer de nouvelles initiatives pour réaliser les objectifs de santé (réduire les inégalités de santé et le taux de mortalité évitable). Donc pour la prévention (drogues, alcool, tabac, soins dentaires, diététique, santé mentale), les soins pour malades chroniques. La norme sera aussi affectée sélectivement à améliorer l’accessibilité (Tickets modérateurs réduits ou supprimés, élargissement de l’offre remboursée), à la création de modèles de soins intégrés, au renforcement de la 1ère ligne, et aussi à l’innovation.
Le document de « Vision d’avenir », émanant des mutuelles, présenté au Comité de l’assurance de l’INAMI reprend plusieurs de ces thèmes pour l’agenda 2022.
Bien sûr, la feuille de route du Gouvernement sera exécutée. Mais ce que nous reprochons aux mutualités, c’est d’abord que la concertation, tant vantée, n’a pas eu lieu entre prestataires et mutuelles. Les circonstances liées au COVID-19 et à l’absence de Gouvernement n’ont pas facilité les choses. Néanmoins, il eût été normal de s’accorder sur les points prioritaires que les mutuelles voulaient mettre en avant, elles qui ne se sont pas privées de mentionner dans leur texte des rencontres préalables bi- et multilatérales qui ne se sont jamais tenues, à l’exception d’une réunion informelle de 45 minutes, sans documents, tenue en septembre.
Il eût été correct de souligner l’impact des décisions gouvernementales : la norme étant dédiée aux objectifs de rénovation du Gouvernement, il faudra pour le reste continuer le modus des années précédentes : les revalorisations via la nomenclature, l’introduction dans celle-ci de nouveaux actes, se feront pour la plupart au sein (par transfert) des sous-objectifs sectoriels.
Ces objectifs sectoriels, par exemple celui des honoraires médicaux, pourraient ne pas disposer de montants issus de la norme si celle-ci est consommée par les innovations dans d’autres secteurs, par exemple un meilleur remboursement des appareils auditifs.
Les mutuelles ont unilatéralement fait leur choix des éléments auxquels une partie de la norme sera consacrée en 2022 et au-delà. En y incluant des dossiers qui posent problème, comme l’élargissement des forfaits. C’est pour rédiger ce « menu » qu’il fallait consulter les partenaires avant de décider. En bref, les mutuelles ont confirmé les principe de « nous pensons, et vous suivez » …
La conséquence est que pour juin 2021, le Comité de l’assurance (où toutes les décisions des mutuelles sont avalisées sans peine) fera des propositions sur le financement des soins de santé préventifs (soins dentaires, obésité, etc.), l’accessibilité améliorée (meilleur remboursement ou tickets modérateurs diminués, voire supprimés) les soins intégrés via plusieurs programmes de soins qui paieront d’autres intervenants (podologues, diététiciens, etc.) pour le diabète, les maladies rares, la chirurgie bariatrique, le cancer, la concertation médico-pharmaceutique.
Il n’y a aucun problème à traiter ces dossiers pour rencontrer le programme du Gouvernement. Il y a problème parce que la dévolution de priorité à ces thématiques a été décidée sans aucune concertation, et que d’autres sujets auraient mérité nos efforts conjoints. Il y a problème parce que ces choix sont posés sans avoir évalué le contenu de ces projets, leur faisabilité, leur efficience et la plus-value attendue, leur coût estimé. Il y a problème parce qu’en sus, un budget (20% de la norme) a été a priori bloqué pour financer ces projets.
À nos yeux, il fallait faire la démarche inverse : établir un catalogue, concevoir un cadre conceptuel et financier pour chaque projet, et ensuite les ranger par ordre de priorité. C’est la façon normale pour élaborer tous les budgets INAMI : analyse des projets, justification de l’innovation, évaluation des coûts, économies éventuellement réalisables par les remplacement, mesures de corrections à prévoir en cas de dépassement du budget.
Ici, un budget a été prédéfini, et on prendra un chausse-pieds pour faire entrer le tout dans l’enveloppe prévue. Ce n’est pas une façon de traiter les « partenaires » de la concertation. Et ce n’est pas une façon intelligente de procéder.