Une profession qui se féminise serait une profession qui se paupérise… Vous connaissiez cette expression ? Pas moi ! c’est un estimé collègue (le Prof E. de Becker) qui au détour d’une conversation m’a fait part de cette fameuse maxime, non pas pour la soutenir mais plutôt pour la craindre et en dénoncer les risques dans notre profession médicale.
C’est visiblement un phénomène connu et redouté dans les milieux professionnels et qui frappe particulièrement l’enseignement, le barreau et la médecine.
Comment le comprendre ?
Une profession qui se paupérise, c’est un métier qui souffre. Si on prend l’exemple de la médecine, puisqu’elle nous concerne au premier plan, on voit l’apparition de vrais déserts médicaux en France et des zones de pénurie relative en Belgique.
On voit un phénomène en même temps d’allongement des temps de carrière mais qui s’associe paradoxalement à un rabotement des pensions.
On voit globalement une diminution des revenus (à part dans certaines spécialités, de plus en plus isolées) et une diminution du niveau de vie malgré un sentiment (objectif et/ou subjectif) d’augmentation de la charge de travail et du stress associé.
On voit enfin un manque de reconnaissance du métier par les politiques et le grand public et une minimisation de la charge mentale portée par les médecins du fait des responsabilités humaines et médico-légales qui lui sont associées.
Force est de constater que, selon ces critères en tous cas, oui, la profession médicale serait bel et bien en train de se paupériser.
Et la féminisation là dedans ?
Elle est réelle puisque actuellement 60 % des étudiants en médecine sont des femmes, alors que pour la petite histoire, la première femme diplômée de médecine, Isala Van Diest, le fut en 1884 à l’âge de 42 ans après avoir dû combattre les idées reçues et la volonté de tous qu’elle soit plutôt infirmière.
Quel est le lien de cause à effet entre féminisation et paupérisation s’il y en a un?
Il est probablement double et réciproque.
Les femmes seraient une des causes de la paupérisation. Hé oui, c’est bien connu, elles sont moins revendicatrices, moins agressives, elles provoquent moins de chahut social et ont tendance à plus se laisser faire. C’est en tous cas ce qui traîne encore aujourd’hui dans nos imaginaires collectifs. Leur arrivée dans un métier ouvre dès lors la possibilité aux dirigeants de réaliser des coupes dans le budget, des limitations de moyens, sachant que l’opposition en face d’eux sera « faible » (le mythe de la femme fragile) voire inexistante et pourra rapidement être matée.
Mais la féminisation pourrait également être la conséquence de cette paupérisation. En effet, une profession qui souffre se voit délaissée par les hommes qui préfèrent abandonner un métier qui n’est plus valorisant ou moins rentable. Les femmes, moins attachées au prestige et à la reconnaissance sociale, investissent dès lors ces professions délaissées et s’y retrouvent majoritaires.
Cause ou conséquence, on voit que les stéréotypes ont encore la vie dure et il ne tient qu’à nous, hommes et femmes médecins, de les faire mentir dans notre profession et surtout d’œuvrer à ce qu’elle ne se paupérise pas encore plus !
Derniers commentaires
Charles KARIGER
13 février 2020Au XIXème siècle le mot "secrétaire" n'existait qu'au masculin. Ministres et écrivains étaient aidés par Monsieur LE secrétaire. La dévalorisation du statut social fait qu'aujourd'hui les gens "importants" (?) ne veulent même plus parler à "la petite secrétaire", celle qui apporte les cafés.
Au début du XXème siècle LE maître d'école n’existait qu'au masculin. La dévalorisation sociale en a fait "UNE bête petite instit'".
La dévalorisation du statut des médecins est suffisamment avancée pour que le médecin mâle devienne sous peu aussi anachronique, aussi anecdotique que l'infirmier.
C'est une horrible constante sociale: seule les fonctions dévalorisées se féminisent aisément.