Cela fait déjà dix ans que le Dr Philippe El Haddad assure la direction générale médicale du Chirec. L’occasion de revenir sur cette décennie, qui a vu ce groupe hospitalier privé se renforcer en créant le nouvel hôpital Delta et en poursuivant le développement de ses sites hospitaliers de Braine-l’Alleud et d’Anderlecht, ainsi que de ses cliniques de jour.
En dix ans, quels sont les plus grands changements qui ont été réalisés au Chirec ?
Philippe El Haddad : Entre 2014 et 2024, le plus grand chantier a été la finalisation et l’ouverture du site Delta, non seulement sur le plan architectural, mais surtout sur le plan médical. C’est un énorme succès. En 2018, nous avons réalisé 18 % d’admissions en plus par rapport à ce que nous faisions globalement sur les sites de Cavell et du Parc Léopold en 2017. En 2019, notre activité a encore augmenté de 9 %. En deux ans, nous avons donc enregistré une croissance de 27 % de notre activité médicale. Depuis, à l’exception de 2020 et 2021, notre activité médicale continue d’augmenter de 2 à 3 % par an.
Grâce à notre projet médical, nous avons transformé le statut de clinique de nos institutions bruxelloises en celui d’hôpital général avec de véritables services d’urgences, des gardes, une organisation en pôles et départements… tout en conservant — et c’est une prouesse — la médecine personnalisée, qui est l’ADN du Chirec.
En dix ans, nos hôpitaux sont devenus des hôpitaux de stage. C’était déjà le cas à Braine-l’Alleud, mais nettement moins à Cavell et au Parc Léopold. En 2024, nous avons 85 PG en formation dans notre hôpital et 36 maîtres de stage. Cette dynamique permet de rajeunir les équipes, car les PG qui travaillent chez nous souhaitent souvent revenir au Chirec par la suite. Il y a dix ans, notre hôpital faisait peur aux jeunes, car nous avions la réputation d’être une institution privée pratiquant une médecine libérale.
Autrefois, les patients étaient recrutés par les médecins pour être opérés et réaliser des examens dans nos cliniques. Au cours des dix dernières années, le pourcentage de patients hospitalisés via le service des urgences est passé de 10 % à Cavell à 25 % à Delta, soit environ 55 000 patients par an. En général, 32 % des hospitalisations au Chirec proviennent de nos trois services d'urgences.
Nous avons effectué un important travail pour le développement de nos services d’urgences. À Cavell, nous avions à peine 19 000 patients par an admis aux urgences, et au Parc Léopold entre 7 000 et 8 000 patients par an. À Delta, nous avons admis 42 000 patients la première année. En outre, nous faisons fonctionner, deux semaines sur trois, un Smur en association avec les Hôpitaux Iris-Sud et la Clinique Saint-Jean.
Vous avez aussi créé une organisation en pôles et départements médicaux.
Pendant trois ans, nous avons organisé notre arrivée sur le site Delta. Nous avons nommé pour les deux sites hospitaliers de Cavell et du Parc Léopold un seul chef par service et un seul chef par pôle… Les médecins et les cadres infirmiers ont appris à se connaître et à travailler ensemble. La meilleure façon de collaborer est de communiquer. J’ai appris cela en étant urgentiste.
Nous avons également étendu notre offre médicale en recrutant des traumatologues, des oncologues, des internistes… Grâce à ces changements, la prise en charge est devenue globale : le patient n’est pas seulement pris en charge pour une pathologie spécifique, mais dans son ensemble.
De nombreux patients et médecins peuvent témoigner que le principe — cher à l’ex-ministre De Block — du « patient au centre » est une réalité au Chirec. Il se concrétise dans l’approche architecturale et dans la prise en charge du patient, qui est orienté vers le pôle médical dédié à sa pathologie — par exemple, pour un problème de traumatologie, la consultation, la radiologie, le plâtre… se trouvent au même endroit. Toute l’organisation a été pensée pour rendre la prise en charge la plus confortable possible pour le patient.
Le Chirec a-t-il des difficultés pour recruter certains spécialistes?
Nous avons beaucoup de demandes d’accréditation. Par contre, nous avons des difficultés à trouver des médecins qui veulent s’occuper des unités de soins. En raison du numerus clausus, nous devons recruter des médecins à l’étranger. Ces médecins n’ont pas fait leurs études dans notre pays et n’ont pas toujours les mêmes compétences médicales et linguistiques. Il faut rapidement trouver une solution pour pallier ce problème. En Belgique, les études de médecine sont quasi gratuites, près de 800 euros par an. C’est la collectivité qui paie cette longue formation.
«Il faudrait imposer aux jeunes diplômés d’assurer des gardes à l’hôpital durant une dizaine d’années»
Ne serait-il pas normal que les diplômés en médecine doivent, durant une période déterminée, disons dix ans, assurer les gardes dans les hôpitaux pour assurer la continuité des soins? Ce serait une manière pour le médecin de rendre à la collectivité ce qu’elle lui a donné. Cette solution permettrait de résoudre la problématique de plus en plus importante de la surveillance des unités de soins. Actuellement, nous sommes obligés d’engager des médecins qui ont le code Inami 000, qui sont très limités dans les actes qu’ils peuvent poser, ou des médecins étrangers. C’est intenable. Il faut rapidement se mettre autour de la table pour trouver une solution au numerus clausus.
Prenons l’exemple des urgences psychiatriques. On ne trouve pas de psychiatre pour assurer les gardes dans des services qui, selon la réglementation, doivent avoir une garde appelable 24h sur 24 et 7 jours sur 7. Aucun hôpital en Belgique n’est capable de respecter cette norme.
> Lire l’intégralité de l’interview dans Le Spécialiste N°226.
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