La transformation de la médecine par les technologies : comment le Pr Vincent voit-il l’avenir médical ?

Le Dr Jean-Louis Vincent, professeur de Soins Intensifs à l'ULB et membre de l’Académie royale de Médecine de Belgique, publie son dernier ouvrage intitulé «La transformation de la médecine par les technologies de l’information : Le regard du réanimateur». Dans ce livre, il explore l'impact des technologies de l’information, comme l'intelligence artificielle, sur la pratique médicale. Le Pr Vincent y souligne que malgré ces avancées, le rôle du médecin demeure crucial et en pleine évolution.

« À l’heure du "boum" associé à l’apparition de ChatGPT sur Internet, certains craindront le remplacement de l’homme par la machine, mais il faut voir ces systèmes comme un support, une assistance, plus qu’une concurrence ou une substitution. » Par ces quelques lignes, Jean-Louis Vincent, professeur de Soins Intensifs (ULB) et membre titulaire de l’Académie royale de Médecine de Belgique, ouvre son dernier livre : « La transformation de la médecine par les technologies de l’information : Le regard du réanimateur ». « Ces technologies vont grandement faciliter la vie des médecins et les soins aux patients, » précise-t-il en débutant l’interview.

La question de la nomenclature

Il en est convaincu : « La téléconsultation doit être développée, encadrée et adaptée au niveau de la nomenclature. Le prochain gouvernement devra s’y atteler. Il faut des remboursements adaptés à la charge de travail d’un médecin en contact régulier avec le patient. Il faudra évidemment trouver la bonne rémunération. »

L’IA va se développer tout en restant sous contrôle médical. « Quand tous les éléments sont mis ensemble, l’IA peut proposer des diagnostics, des examens complémentaires. L’IA aide le médecin à ne rien oublier et à garder une vision à 360°. Au médecin ensuite de prendre la décision finale avec une meilleure connaissance globale. Le professeur Éric Topol, expert dans le domaine, explique bien dans son livre 'Deep Medicine' comment l’intelligence artificielle peut rendre la médecine plus humaine. Les applications en radiographie sont déjà en place. Un des premiers exemples est l’interprétation de la mammographie à la recherche d’une image compatible avec une tumeur cancéreuse. Les programmes d’intelligence artificielle intègrent l’information avec l’analyse génétique de la personne et établissent ainsi la fréquence optimale des examens. La même approche a été utilisée pour reconnaître des rétinopathies à l’examen du fond de l’œil. L’interprétation de l’électroencéphalogramme (EEG) suit également un processus bien codé. Aujourd’hui, la tâche est réservée au neurologue spécialiste, mais son processus intellectuel peut aussi être dupliqué par un système informatique. »

La formation des futurs médecins va devoir en tenir compte : « Il conviendra de leur apprendre qu’on n’attend pas d’eux qu’ils deviennent des spécialistes en IA. L’important est l’apprentissage de la relation avec l’ingénieur qui développe les programmes d’IA. »

L’hôpital, les soignants, les patients

L’hospitalisation à domicile va poursuivre sa progression. « Je me rends parfois à la Mayo Clinic qui possède un système très performant d’hospitalisation à domicile. On y trouve une excellente coordination avec les infirmières, mais aussi les pharmaciens (pour les effets secondaires des médicaments). Cela permet de désengorger les hôpitaux et les services d’urgence et réduit les coûts pour la société. Certains centres de soins américains sont tenus uniquement par des infirmiers possédant un niveau de formation plus élevé (nurse practitioners). »

La technologie permettra aussi de lutter contre la pénurie et d’améliorer les spécialisations de tous les soignants. « Les développements technologiques n’ont jamais accru le taux de chômage. »

Les robots auxiliaires médicaux mobiles auront aussi un rôle à jouer dans la prise en charge de malades à distance. « Le robot, par exemple, possède une connexion possible à un stéthoscope ou une sonde d’ultrasons permettant au médecin d’ausculter à distance. Les robots peuvent pratiquer certains actes médicaux tels que l’intubation endotrachéale permettant la ventilation mécanique. Le geste se fait évidemment sous le contrôle d’un médecin prêt à intervenir en cas de problème. »

Les drones seront de plus en plus présents aussi : « Nous vivons aujourd’hui la centralisation d’examens de laboratoire ou d’anatomie pathologique, diminuant le besoin de petites unités dans chaque hôpital. Il y a quelques années, la ville de Delft aux Pays-Bas a été l’une des premières à lancer un système d’envoi de défibrillateurs par drone en cas d’arrêt cardiaque. »

Le rôle du médecin dans le futur

Le Pr Vincent conclut son livre par une question qui titille : « Mais alors, aurons-nous encore besoin de médecins ? » Selon lui, « le rôle du médecin devra s’adapter, tout en restant néanmoins très important. Des choix thérapeutiques peuvent être ciblés, influencés par les préférences individuelles, mais nécessitant impérativement la guidance du médecin. L’oncologie est un domaine qui l’illustre. Par exemple, le traitement du cancer doit prendre en compte le type exact de cancer, son degré d’extension et les caractéristiques de la personne malade. Mais le protocole doit être personnalisé, surtout si on introduit un facteur de préférences du malade. »

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