La Chambre a accepté jeudi après-midi de prendre en considération en urgence une proposition de loi déposée par des députés de la majorité et autorisant "de manière exceptionnelle", pendant la crise Covid-19, que des activités relevant de l'art infirmier puissent être exercées par des personnes non légalement qualifiées. Elle a été adoptée au terme d'une après-midi de débats, en plénière d'abord, en commission de la santé ensuite, puis à nouveau en plénière.
Après une minute de silence et un hommage aux victimes de l'attaque djihadiste qui a fait quatre morts lundi à Vienne, les différents groupes politiques ont approuvé à la hussarde la prise en considération en urgence de ce texte.
Le chef de groupe PTB, Raoul Hedebouw, a dénoncé l'absence de concertation sociale avec les acteurs de terrain. "Une fois de plus, le fait accompli", a-t-il lancé dans l'hémicycle où ne siégeaient que quelques députés.
Ce texte - contesté par trois associations francophones du personnel infirmier et datant du 3 novembre - a été approuvé par 118 voix pour et 19 contre (cdH, DéFI et PTB), a annoncé la présidente de la Chambre, Eliane Tillieux (PS) à l'issue du vote. Celui-ci est intervenu au terme d'une après-midi de débats, en plénière d'abord, en commission de la santé ensuite, puis à nouveau en plénière.
La nouvelle loi, proposée par les députés Karin Jiroflée (sp.a), Laurence Hennuy et Barbara Creemers (Ecolo-Groen), Hervé Rigot (PS), Daniel Bacquelaine (MR), Nathalie Muylle (CD&V) et Robby De Caluwé (Open Vld), sera soumise à la sanction royale en vue de sa promulgation, a ajouté Mme Tillieux.
Ce texte vise, selon ses auteurs, à "venir en aide au personnel infirmier déjà largement impliqué et extrêmement sollicité dans la gestion de la crise sanitaire de la Covid-19, en autorisant de manière exceptionnelle que des activités relevant de l'art infirmier puissent, pendant la gestion de cette crise, être exercées par des personnes non légalement qualifiées pour ce faire".
Un amendement approuvé en commission réduit la durée de ce renfort au 1er avril 2021, contre le 1er juillet dans le texte initial. La loi pourrait toutefois voir ses effets prolongés de six mois.
Les activités seront "confiées de manière prioritaire aux personnes dont la formation se rapproche le plus de la formation d'infirmier" - comme des étudiants en médecine ou en soins infirmiers, des kinésithérapeutes, du personnel de santé, des stagiaires, ou des sages-femmes, selon le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, Frank Vandenbroucke (sp.a).
"Alléger la pression directement avec tous les moyens possibles, c'est ce qu'attend notre personnel soignant du politique. C'est une mesure d'urgence que nous n'imposons pas, mais que nous mettons à disposition des infirmiers qui garderont le contrôle absolu et la direction des opérations", a précisé M. Vandenbroucke dans un communiqué diffusé après le vote.
Certaines activités sont toutefois explicitement exclues de tâches qui pourront être confiées à ce personnel venant en renfort "en dernier recours": l'utilisation, la manipulation et la surveillance d'appareils de circulation extracorporelle (CEC) et de contrepulsion, des techniques invasives où des vaisseaux sanguins sont manipulés, du sang et des composants sanguins et des appareils de dialyse, perfusion et aphérèse.
Une formation préalable est requise et devra être dispensée par un infirmier ou un médecin.
"Les activités sont accomplies sous la supervision de l'infirmier coordinateur, qui doit être accessible. Cela ne nécessite pas nécessairement la présence physique de l'infirmier coordinateur", ajoute le texte.
Lors du débat, plusieurs députés d'opposition ont dénoncé l'absence de véritable concertation avec le secteur, placé, selon le chef de groupe PTB, Raoul Hedebouw, "devant le fait accompli".
"Ces actes nécessitent une expertise que vous ne pouvez pas improviser", a déclaré la députée Sophie Rohonyi (DéFI), alors que Georges Dallemagne (cdH), un médecin de formation, a réclamé des mesures structurelles pour le secteur des soins de santé.
Plus tôt dans la journée, trois associations représentant le secteur infirmier avaient exprimé leur opposition à cette proposition de loi.
"Le risque de dérapage avec le texte proposé est très important et le motif de la crise peut être évoqué pour résoudre des situations problématiques préexistantes", ont affirmé ces associations - la SIZ-Nursing (association francophone des Infirmiers de Soins Intensifs), Arnaud Bruyneel, la FNIB (fédération nationale du secteur) et l'UGIB (Union générale des infirmiers de Belgique), - dans une carte blanche.
Le syndicat Setca a pour sa part dénoncé l'absence de concertation sociale avec les interlocuteurs sociaux du secteur, travailleurs comme employeurs.
"Lors de la première vague, nous avions déjà demandé qu'un réel plan d'action soit élaboré afin de répondre dans les meilleures conditions et sur base volontaire à une situation de pénurie de professionnels en cas de deuxième vague. Notre objectif était que les travailleurs sur le terrain aient la garantie de pouvoir être remplacés si cela était nécessaire. Rien n'a été fait depuis mai", a souligné le syndicat socialiste dans un communiqué.
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