En mars dernier, trop confinés dans les hôpitaux à soigner nos malades, nous n’avons pas vu les arbres
bourgeonner. Mais aurions-nous imaginé une seule seconde, pour les mêmes raisons, ne pas les voir se
parer de leurs couleurs automnales ?
Le constat est là, cinglant : huit mois après le début de l’épidémie, cinq mois après avoir connu un
large déconfinement, nous sommes aujourd’hui face à un tsunami silencieux aux effets exponentiels
dévastateurs.
Entre les deux « vagues », nous avons perdu beaucoup en chemin. De l’adrénaline, qui s’est asséchée au
fur et à mesure que nous grimpions une montagne sans fin. De la solidarité, qui s’est peu à peu étiolée
avec une certaine lassitude de la population. De l’empathie, nos héros d’hier semblant désormais devenus
des oiseaux de mauvais augure. Et du temps. Beaucoup de temps.
En septembre, nous avons ressenti les premiers signes avant-coureurs d’une reprise. Des courbes qui se
relèvent. Des centres de testing pris d’assaut. Des patients qui développent peu à peu des symptômes
menaçants. Tout ce qui ressemble à cette petite brise qui ne dit rien de bon.
Nous avons alerté, prévenu. Le gigantesque incendie avait été maitrisé, mais les cendres étaient encore
tièdes et n’attendaient qu’un souffle pour repartir.
Nous avons peut-être été écoutés, mais pas entendus.
Début octobre, les cendres sont devenues des feux de broussaille. Nous avons fait corps avec l’ensemble
du personnel hospitalier pour circonscrire l’incendie, encore et encore. Nous avons aussi alerté, prévenu.
Nous avons été écoutés, mais si peu entendus.
Nous sommes fin octobre, et les feux de broussaille ne sont plus contenus. Les foyers de l’incendie sont
multiples, épars, frappent aveuglément, se retournent violemment contre les pompiers que nous sommes,
écartant sans vergogne un nombre impressionnant de collègues désormais atteints du virus.
Nous avons alerté désespérément, en étant encerclés par des flammes qui désormais lèchent le coeur
même de notre édifice : le système de soins de santé.
Nous avons été entendus cette fois.
Il a pourtant fallu attendre.
Longtemps.
Mais ce temps, nous ne l’avons plus.
Nos urgences débordent. Nos soins intensifs sont sursaturés. Nos hôpitaux sont sur le point de ne plus
tenir le choc. Notre personnel est à bout et personne ne viendra le remplacer.
Les courbes s’affolent, les plateaux d’accalmie sont vite dépassés, les projections dépassent nos pires
angoisses.
Alors, bien que ce temps nous manque, il nous fait agir. Vite. Et simplement.
Avec des mesures fortes, concertées et compréhensibles.
Avec une prise de conscience collective qui l’emporte sur les fake news et autres théories du complot.
Avec des actes autant que du respect pour nos métiers.
Avec de la solidarité retrouvée.
Pour pouvoir soigner tout le monde dans le respect des protocoles.
Pour ne pas dédire le fait qu’un patient est toujours égal à patient, qu’il soit Covid ou non.
Pour que nous ayons les moyens de prendre en charge chacune et chacun, avec autant d’attention et de
professionnalisme qu’en période de non-crise.
Pour rester au service de la population, quel que soit ses besoins en matière de soins de santé.
Pour ne pas devoir choisir qui soigner, finalement.
Car nous voulons sauver des vies tant qu’il est encore temps.
Vos vies, prises individuellement et collectivement.
Nous avons besoin de vous, dès maintenant.
Et nous savons que vous répondrez présent