Fadila Laanan a rappelé aux participants du colloque que, bien que plusieurs initiatives d’amélioration de la qualité aient déjà été prises en Belgique, il n’existe pas encore de mesure systématique de la qualité des hôpitaux. Or, le concept n’est pas neuf. Les normes d’agrément et les obligations de formations y contribuent depuis des années. Les inspections effectuées régulièrement par la Région Wallonne pour le compte de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont introduit des éléments qualitatifs pour les hôpitaux universitaires ainsi que des inspections thématiques.
La pression des usagers
«Aujourd’hui, une vision et une approche globale sont nécessaires car la qualité des soins est un réel enjeu pour l’avenir. Je relève d’ailleurs une prise de conscience et une mobilisation forte de la plupart des établissements», commente la ministre de la Santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle pointe trois raisons qui plaident pour améliorer la qualité. Première raison: «l’évolution de la demande des usagers. Ces derniers sont de plus en plus exigeants. Le patient ne consulte plus uniquement son médecin pour obtenir de l’information sur les processus susceptibles d’améliorer ou de rétablir son état de santé. Il s’informe davantage, compare les coûts, s’interroge sur la qualité. (…) Deuxième raison: le contexte international et la plus grande mobilité des patients. Troisième raison: l’évolution des dépenses, la restriction des moyens et la concurrence entre les établissements. Au vu des moyens budgétaires limités de notre assurance maladie obligatoire, une pratique soignante rigoureuse fondée sur les dernières preuves scientifiques est une condition nécessaire à l’accès à des soins de qualité.»
La ministre de la Santé des francophones Fadila Laanan reconnaît que l’implémentation éventuelle de l’accréditation demandera préalablement une analyse de l’impact de la législation et de la réglementation en vigueur sur la qualité dans les hôpitaux;
Pas de palmarès
Comment améliorer la qualité? Certainement pas en publiant un palmarès d’hôpitaux. La ministre n’est pas favorable à cette pratique, populaire à l’étranger. «Tout d’abord parce qu’il est difficile d’interpréter ces indicateurs souvent réducteurs, mais aussi parce que l’impact des scores de performance sur la qualité des soins est clairement limité», analyse la ministre.
Elle se déclare nettement plus favorable à une démarche d’accréditation. «Elle constitue une piste pour améliorer la qualité. A court terme, elle deviendra inéluctable. Le nouveau plan pluriannuel du SPF Santé publique pour les années 2013-2017 va aussi dans ce sens. L’auto-évaluation y est retenue comme thème prioritaire pour l’année 2013.»
La ministre reconnaît que l’implémentation éventuelle de l’accréditation demandera préalablement une analyse de l’impact de la législation et de la réglementation en vigueur sur la qualité dans les hôpitaux. D’autant plus que la 6e réforme de l’Etat transfère la compétence normative des hôpitaux aux Communautés. La réglementation relative au contrôle de la qualité et l’élaboration de l’évaluation de la qualité vont être du ressort des entités fédérées. Les caractéristiques des soins liées au processus et au résultat devront probablement être intégrées dans les normes d’agrément.
Pour rappel, l’accord intrafrancophone intervenu le 19 septembre (lire Le Spécialiste N° 13-16) prévoit que les hôpitaux universitaires resteront, après la réforme institutionnelle, de la compétence de la Fédération Wallonie-Bruxelles. «Il faudra dès lors définir et concrétiser les orientations relatives aux normes des hôpitaux universitaires.
Lever les tabous
Parce que le processus d’accréditation inquiète certains acteurs, le gouvernement de la FWB a décidé d’octroyer une subvention au Centre de recherche en économie de la santé de l’Ecole de santé publique de l’ULB et à la fédération hospitalière Santhea pour élaborer un guide de préparation des hôpitaux à l’accréditation. «Il s’agit d’informer les hôpitaux sur l’accréditation et ses exigences, sur la manière de s’y préparer pour mieux comprendre les enjeux, pour lever les tabous, pour se familiariser à une nouvelle manière de travailler voire de s’y engager. Ce guide devrait permettre aux hôpitaux de gagner du temps en centralisant l’information et en reprenant les éléments clés à prendre en compte lorsqu’ils envisagent de s’accréditer», explique la ministre.
Le guide a été présenté lors du colloque du 25 octobre. «Il commence par un bref rappel du concept d’accréditation. Il détaille ensuite le contexte belge propre aux soins de santé, et les difficultés que cela peut représenter pour la thématique “qualité”», explique Denis Herbaux, conseiller économique chez Santhea. «Après ces deux chapitres plus introductifs, le guide entre dans le vif du sujet. Il compare et analyse le contenu de trois référentiels (Français, Canadien et Américain), puis détaille deux expériences exploratoires. La première est une enquête effectuée via internet auprès des directions des hôpitaux membres de notre fédération pour mesurer l’importance des critères présents dans les référentiels. La seconde expérience est un exercice d’accréditation réalisé dans quatre hôpitaux volontaires pour confronter le terrain à ce type de démarche. Ensuite, de nombreuses rencontres avec des débutants, des compétents et des experts en accréditation sont retranscrites, et les conclusions de ces rencontres font l’objet de recommandations quant à la mise en place d’une préparation à l’accréditation. Enfin, le dernier chapitre propose une grille d’ “accréditationabilité” qui doit permettre aux hôpitaux qui le souhaitent de s’évaluer sur 16 domaines considérés comme étant indispensables pour mettre en œuvre et pérenniser une démarche qualité.»
Grâce à ce guide, les hôpitaux de la Fédération Wallonie-Bruxelles vont peut-être rattraper leur retard par rapport aux institutions flamandes. De l’autre côté de la frontière linguistique, 57 hôpitaux sur 65 ont déjà décidé d’entamer un trajet préparatoire permettant d’obtenir une accréditation.
Et les coûts?
Reste aussi à trouver les budgets pour réaliser cette accréditation. Celle-ci coûte relativement cher. Nous avons récemment révélé (lire Le Spécialiste N° 13-14), qu’il faudrait investir 3.273.559€ pour l’accréditation des 122 hôpitaux généraux belges.