L’association flamande des médecins en formation (Vaso) a validé l’accord voté lors de la Commission paritaire nationale médecins-hôpitaux du 19 mai sur les conditions de rémunération et de travail des MSF. Son pendant francophone, le Cimacs, a décidé de quitter la table de négociation et entamé une grève . Comment les choses ont-elles pu en arriver là et d’où viennent ces différences communautaires ? Jonas Brouwers, président du Vaso, nous livre son éclairage.
Les politiciens disent parfois qu’un accord suppose que toutes les parties s’entendent… or ici, l’une d’elles a quitté la table des négociations. Peut-on donc légitimement parler d’un accord ?
Jonas Brouwers : « L’accord, c’est entre les hôpitaux et les médecins qu’il devait être conclu ; nous n’étions présents qu’en tant qu’observateurs et les deux parties qui devaient s’entendre l’ont fait. Nous avons néanmoins salué cet accord, parce qu’il nous semblait positif. Il représente en effet une avancée globale pour l’ensemble des assistants, dans un contexte où nous avons toujours choisi de privilégier cette vue d’ensemble. À mon sens, on ne peut jamais se baser sur des cas individuels. »
« Cela dit, nous ne pouvons pas pour autant nous reposer sur nos lauriers. À terme, les pensions et les indemnités de chômage vont encore devoir être améliorées – le ministre s’est engagé à s’y attaquer au niveau du gouvernement. En tant qu’observateurs, nous ne sommes pas non plus restés passifs, que du contraire. Nous avons montré que nous étions parfaitement au courant du dossier et prêts à y travailler de façon constructive. »
« Tout le monde a mis de l’eau dans son vin sous la supervision de Jo De Cock, dont on connaît les qualités de diplomate. Un formidable travail de préparation a aussi été abattu par l’équipe du SPF Santé publique. »
« Le Cimacs est un partenaire sur qui nous pouvons compter, mais à un certain moment, ils ont eu le sentiment que l’affaire était devenue imbuvable. Je ne peux qu’en prendre acte. À ce point dans le temps, il restait beaucoup de décisions à prendre. Nous avons choisi de rester à la table des négociations pour pouvoir aborder certains points qui étaient très importants pour nous. »
« Quand un dossier comme celui-ci reste en rade pendant 40 ans, il est toujours difficile de partir de zéro. Le ministre aussi a fait sa part en dégageant des moyens supplémentaires qui apporteront une bouffée d’oxygène. »
En tant qu’observateurs, allez-vous devoir signer ce texte, puisque vous comptez le défendre ?
« Pour l’instant, rien n’est signé parce que la discussion s’est déroulée via Zoom. Il a fallu 10 heures de négociations parfois tumultueuses… mais comme le dit si bien Jo De Cock, « il n’y a pas de bon accord sans un peu de cinéma ». Peut-être devrons-nous à un moment donné signer officiellement le texte, mais tous les acteurs présents autour de la table étaient d’accord sur son contenu. À ce stade, il s’agit d’une recommandation au ministre, qui devra la transposer dans la législation de manière à parvenir à un arrêté royal soutenu par le gouvernement qui devrait entrer en vigueur au 1er août 2021. »
Le Vaso et le Cimacs ne s’étaient-ils pas mis d’accord sur une position commune, histoire de présenter un bloc uni ?
« Si, mais nous défendons chacun notre base et il existe des différences substantielles sur certains points. Prenez le master en médecine spécialisée, qui n’existe qu’en Flandre et correspond à 180 crédits. C’est lourd, et c’est pour cela que la durée de la formation était vraiment pour nous un aspect essentiel. Les points qui touchent aux barèmes sont aussi différents en Belgique francophone. Chacun met donc ses propres accents, même si nos demandes les plus importantes – barèmes de base, indemnités de garde, congés, temps dévolu aux activités scientifiques, frais forfaitaires, protection de la grossesse, etc. – étaient les mêmes. »
Peut-on en déduire que votre base est un peu plus modérée ?
« Vous pouvez le penser si vous voulez (rire), mais je ne sais pas si c’est toujours le cas dans la pratique. Nous avions déjà l’année dernière des exigences très transparentes, qui figuraient publiquement sur notre site. »
Si les francophones font la grève et pas vous, ce n’est donc pas la conséquence d’une volonté de diviser pour régner ?
« Ce n’est pas à moi de parler des assistants francophones. N’oublions pas que l’accord prévoit une disposition transitoire ; si, en tant qu’assistant, cela ne vous convient pas à titre personnel, vous pouvez toujours garder les conditions de votre contrat actuel. »
La situation sur le terrain est probablement aussi différente du côté francophone. Certains ont par exemple dénoncé explicitement des tentatives d’intimidation.
« Nous l’avons aussi remarqué côté flamand. Sur ce plan, il n’y a pas de différence Nord-Sud. J’ai le plus grand respect pour mes collègues francophones, mais j’ai le sentiment qu’il y a encore plus d’excès négatifs dans le Sud du pays, que ce soit en termes de conditions de travail ou de respect pour les assistants. C’est une situation qui couve depuis longtemps et à un moment donné, cela finit par exploser ; sur ce plan, je les suis à 100 %. De ce fait, les représentants francophones sont dans une position très délicate. »
Quelle est votre position vis-à-vis de la grève actuelle et des autres actions qui pourraient être mises en place côté francophone ?
« Nous allons défendre cet accord, mais je ne vais pas prendre position vis-à-vis des assistants francophones. S’ils veulent faire la grève, il faut qu’ils la fassent. »
Les chantiers pour l’avenir sont donc notamment les pensions et les indemnités de chômage ?
« La commission paritaire n’est pas compétente sur ce plan, c’est une décision politique. Le texte comporte toutefois des recommandations, comme la demande d’examiner la possibilité de prendre en compte les années de travail dans le calcul de la pension. Nous avons par contre avancé en ce qui concerne la protection sociale, avec le congé de naissance, le congé palliatif, la protection de la maternité et le revenu garanti en cas de maladie. »
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