Jean-Pascal Labille (Solidaris): «Si n’avions pas repris le CHRSM, qui l’aurait fait?»                    

La reprise du CHR Sambre et Meuse par Solidaris, qui sera effective au 1er janvier 2025, a créé la surprise lors de son annonce. Durant l’été, Stéphane Rillaerts, directeur général, et Marc Vranckx, directeur médical du site Meuse, ont quitté l’institution. Jean-Pascal Labille, secrétaire général de l’organisme assureur, et Jean-Pierre Genbauffe, conseiller stratégique, expliquent pourquoi Solidaris a décidé de s’investir dans ce groupement hospitalier de 700 lits.

Solidaris et la Mutualité chrétienne sont historiquement associées à la gestion de nombreux hôpitaux, mais la reprise d’un hôpital par une mutualité est totalement inédit. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

Jean-Pascal Labille, secrétaire général : Il y a 4-5 ans, Maxime Prévot m’explique que les associés publics qui sont actionnaires de l’hôpital - la Province de Namur, le CPAS de Namur et l’Intercommunale de santé de la Basse-Sambre - estiment que la gestion du CHRSM devient trop complexe, d’autant plus qu’il faut s’accommoder des changements de majorité politique et qu’il est donc difficile d’assurer une stabilité dans la durée. 

Les actionnaires ont donc décidé de se tourner vers la Mutualité chrétienne et Solidaris qui gèrent déjà des hôpitaux. En cours de discussion, la Mutualité chrétienne, pour des raisons qui lui sont propres et qui n’ont rien avoir avec ce dossier spécifique, a décidé de ne pas s’engager dans ce projet.

Pourquoi avez-vous décidé de poursuivre les discussions ? 

J-P.L. Pour nous, reprendre un hôpital est important parce que de nombreux projets - les soins intégrés, les réseaux hospitaliers, Proxisanté - impliquent une territorialisation de l’offre de soins. Il nous paraît important, en tant qu’acteur global de santé, de nous positionner dans ce projet. Ce n’est certainement pas un investissement financier duquel on espère une rentabilité majeure. Nous voulons activer toutes les synergies entre l’hôpital et notre Centrale de soins à domicile, nos centres de planning, de lutte contre la violence et de santé mentale (Un pass dans l’impasse). En se positionnant comme gestionnaire d’un hôpital, nous voulons aussi garantir l’accessibilité aux soins de santé. Nous comptons aussi travailler avec d’autres partenaires, dont les maisons médicales.

Si n’avions pas repris le CHRSM, qui l’aurait fait ? Lors des premières discussions, Maxime Prévot avait confié qu’il ne savait pas se tourner vers d’autres acteurs, tout en reconnaissant que les mutualités ont une expertise dans la gestion hospitalière (le CHwapi, Epicura,  le CHUTivoli, le CHR de la Haute Senne… ) Rappelons que plusieurs responsables de Solidaris sont administrateurs dans des hôpitaux. Je suis, par exemple, vice-président du CHU de Liège. 

Toutes ces raisons nous ont poussés à reprendre cet hôpital. Ce qui est un cas unique.

Est-ce vraiment le rôle d’une mutuelle ? 

Jean-Pierre Genbauffe, conseiller stratégique: A ceux qui se demandent si c’est le rôle d’un organisme assureur de gérer un hôpital, Il est important de rappeler que les mutuelles ont trois grandes missions : la cogestion de l’assurance-maladie, entre autres, via les commissions de concertation, le développement du bien-être selon la définition de l’OMS et l’organisation d’une offre de services de soins complémentaires. Nous finançons des projets collectifs qui bénéficient à tout le monde. Imaginons que demain, le monde politique nous retire notre troisième mission, 50% des personnes qui ont besoin de soins à domicile n’auraient plus de prestataires.      

Avez-vous investi de l’argent pour la reprise du CHRSM?

J-P.L. : Techniquement, il s’agit d’une « cession à titre gratuit avec charges ». Cette terminologie est importante parce que nous devons encore avoir une discussion sur le plan fiscal et sur les droits d’enregistrement. Nous allons mettre un montant sur la table qui permettra de faire face à certain nombre de charges. Par exemple, un droit d’enregistrement de 20 millions d’euros pourrait être demandé pour la reprise de l’hôpital. Nous demandons un « ruling » à l’administration fiscale.

J-P.G. : A priori, nous remplissons toutes les conditions pour ne pas devoir payer ces droits d’enregistrement. 

Nouvelle gouvernance, CA moins politisé

Le départ du CHRSM, au milieu de l’été, de Stéphane Rillaerts et de Marc Vranckx, deux professionnels reconnus pour leur expertise, a étonné de nombreuses personnes. 

J-P.L. :  Nous avons aussi été un peu surpris de la volonté de Stéphane Rillaerts de réorienter sa carrière. Nous avons ensuite trouvé ensemble un arrangement.

Pour la direction médicale, un problème couvait depuis un certain temps. Pour ma part, je regarde vers l’avant. Je peux comprendre que ces départs aient provoqué un peu d’émoi dans l’institution Notre volonté est de stabiliser la situation et d’amplifier le plan stratégique. Nous n’allons pas réinventer la roue. Nous allons enrichir le plan existant.

J-P.G. : Un très beau travail avait déjà été fait depuis 3 ans sur la stratégie générale et médicale. Nous l’avons validé lors des discussions de reprise. Nous allons devoir fixer des priorités, en fonction de la situation financière, et en tenant compte du Réseau hospitalier namurois et de la Clinique Saint-Luc de Bouge avec laquelle nous avons une très belle collaboration en chirurgie cardiaque.           

Avez-vous déjà lancé une procédure de recrutement pour former la nouvelle équipe de direction ?

J-P.L.: Nous avons engagé un directeur des ressources humaines il y a un an, Quentin Druart. Nous lui avons confié récemment la direction générale de l’hôpital. Lorsque nous serons à la manœuvre, le 1er janvier 2025, nous allons stabiliser toutes les équipes de direction. Nous lancerons un appel pour le poste de directeur médical. 

Notre volonté est de renforcer le management et d’augmenter les synergies entre les deux sites de l’hôpital. Ce travail va nous occuper l’année prochaine. 

J-P.G.: Les équipes des deux sites ne se parlent pas encore assez. La fusion a tout de même déjà eu lieu il y a 10 ans ! Notre objectif est de valoriser les plus-values de la transversalité sans pénaliser le patient et la qualité des soins. Nous devons augmenter les synergies bien que le mode de financement actuel nous pousse à garder nos deux numéros d’agrément. Cette collaboration va nous permettre de réduire certains coûts et de booster la mobilité médicale au profit de l’ensemble de la structure. 

Les médecins attendaient un déclic pour relancer une nouvelle vision pour l’hôpital. Nous avons reçu les Conseils médicaux qui n’ont pas fait part de leur opposition à la reprise. 

J-P.L. : Nous avons voulu mettre en place une gouvernance extrêmement stricte du CHRSM. Le Conseil d’administration de la nouvelle Association hospitalière Sambre et Meuse est composé majoritairement de personnes qui ne siègent pas dans les instances de Solidaris. On y retrouve, entre autres, Jacques de Toeuf (ex Chirec/Absym), Emmanuel André (UZ Leuven), Anna Groswasser (HUB), Laurette Onkelinx, Wissam Bou Sleiman (CHU Brugmann), Marc De Paoli (CHU de Liège), Yolande Husden, Vincenzo D’Orio (ULiège), Jean-Claude Dormont (ex CHU Tivoli). Nous avons voulu réunir un CA de qualité avec des personnes complémentaires qui connaissent bien le secteur hospitalier, dont Jean-Pierre Genbauffe (qui représente Solidaris dans les CA d’Epicura, du CHwapi et du Réseau Phare, NDLR). Il y a des représentants de Solidaris dans ce CA, dont moi-même, qui le préside, mais nous ne sommes pas majoritaires. 

Ce CA pourra prendre ses décisions en toute indépendance et challenger le management. Je tiens à souligner que dans cette période de transition (jusqu’au 1er janvier 2025, NDLR) la collaboration avec le président du CA du CHRSM, Gilles Mouyard (MR), se passe très bien. 

> Lire l’intégralité de l’interview dans Le Spécialiste N°222

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