Un important travail est actuellement mené par deux universités, l’ULB et l’UGent, pour distinguer, au sein des honoraires de tous les médecins, la partie «honoraires médicaux destinés à couvrir tous les frais» de la partie «honoraires destinés à couvrir la prestation du médecin».
Depuis 2019, les Prs P. Leclercq et M. Pirson, du Centre Universitaire de Gestion (GEDIS asbl) et du Centre de recherche en Economie de la Santé, Gestion des Institutions de Soins et Sciences Infirmières, travaillent à une partie de la réforme de la nomenclature dont les objectifs ont été définis par la Médicomut, l’Inami et le ministre de la Santé.
Pour rappel, chacune des études a été confiée à une équipe de recherche avec mission d’aboutir fin 2021. Un comité de pilotage de l’Inami assure la coordination des différentes études.
L’étude visant à la standardisation et à la classification d’une nomenclature des actes techniques médicaux et chirurgicaux a été attribuée à leur équipe universitaire. «Nous avons travaillé sur les 2.673 actes. L’actuelle nomenclature n’est pas assez précise pour permettre une évaluation de la lourdeur de l’acte des médecins, ni même d’évaluer correctement les frais de fonctionnement des actes. C’est pourquoi un travail préalable de standardisation et de classification des libellés a été nécessaire. Un acte peut devenir par exemple 6 libellés différents. La classification selon la topographie, les actions et les moyens mis en œuvre évitera la duplication des mêmes actes effectués par des spécialités différentes, un des défauts de la nomenclature actuelle. La nouvelle classification sera en néerlandais, en français et en anglais», précisent les Prs P. Leclercq et M. Pirson.
Cette réforme vise notamment à corriger les différences de revenus injustifiées entre généralistes et spécialistes et ainsi qu’entre spécialistes. La nomenclature va être adaptée à l’évolution de l’activité médicale et aux nouveaux modèles de prestation de soins (p.ex. télémédecine, soins multidisciplinaires…).
Cette nomenclature va bientôt arriver sur le terrain: «Cette opération incombe à l’Inami qui devrait permettre la mise en opération de cette nomenclature (avec provisoirement les anciens tarifs) fin 2022. Enfin, fin 2024, les nouveaux tarifs seraient mis en place».
Plus de transparence
Avec ce travail, ils veulent distinguer de façon transparente et standardisée, au sein des honoraires de tous les médecins, la partie «honoraires médicaux destinée à couvrir tous les frais directement ou indirectement liés à l’exécution de prestations médicales (et non couverts par d’autres sources)» de la partie «honoraires destinés à couvrir la prestation du médecin».
Évidemment cette structuration doit être compatible avec la classification internationale de l’OMS ICHI (International Classification of Health Interventions) qui est classée selon une logique correspondant à la structuration triaxiale qui a servi pour la standardisation (organe, actions, moyens).
La nature des actes impose des méthodologies spécifiques. Par exemple, la standardisation proposée pour les actes médico-chirurgicaux n’est pas nécessairement adaptée à la biologie clinique; la classification envisagée pour les actes médico-chirurgicaux est peut-être inappropriée pour les consultations et les actes assimilés.
Tenir compte des pertes et des gains
Le souhait de l’Inami est d’avoir plus d’équité tout en gardant le cadre d’une neutralité budgétaire grâce à des échelles tarifaires basées sur des critères objectifs.
«Au terme du processus, certaines disciplines seront probablement, «gagnantes», d’autres «perdantes». Ces disciplines n’entendront pas perdre leurs avantages et «activeront» leurs lobbys pour «détricoter» l’échelle commune», relèvent-ils.
Pour éviter cette réaction, les autorités politiques et l’Inami vont devoir, selon eux, «préciser leur stratégie face à cette conséquence inéluctable d’un rééquilibrage des tarifs obtenu par utilisation d’une échelle de valeurs relatives commune interdisciplinaire». Un moment qui s’annonce tendu…
Quelle méthodologie?
La méthodologie pour l’élaboration d’échelles de valeurs relatives mesurant l’intensité de la charge du travail médical au sein de disciplines médicales a été testée lors d’une étude antérieure commanditée par le Cabinet de M. De Block.
Les scores constituant l’échelle sont calculés à partir de 3 paramètres.
- La durée: le temps «médecin» nécessaire pour la réalisation complète de l’examen. Il comprend notamment les manipulations des équipements, le travail de lecture et d’interprétation, le travail de staff…
- La complexité: l’estimation de la formation et de l’expérience jugées nécessaires pour la réalisation (par exemple, faut-il une longue pratique, des stages spécialisés…). La complexité est estimée en points sur une échelle de 1 (le moins complexe) à
5 (le plus complexe).
- Le risque: la réalisation de l’intervention ou l’interprétation d’un examen peuvent comporter des risques importants pour le patient. Ces risques génèrent du stress chez le praticien. Il est estimé en points sur une échelle de 1 (le moins complexe) à 5 (le plus complexe).
Cette évaluation sera réalisée par les médecins. «Cette démarche permet d’avoir une seule échelle, un seul budget médical, une seule valeur du point», précisent les deux experts.
A noter que la fixation du budget «honoraires professionnels» et du budget «frais de fonctionnement» n’est pas de la responsabilité des équipes de recherche.
L’évaluation des frais de fonctionnement sera réalisée dans un échantillon d’hôpitaux francophones et néerlandophones. L’objectif sera d’évaluer tous les frais inhérents à la réalisation des actes et qui ne sont pas les coûts médicaux.
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