Le Dr Philippe Devos, directeur général d’Unessa, revient mercredi dans le quotidien L’Avenir sur la problématique des réseaux hospitaliers locorégionaux. « Le nombre de structures hospitalières a diminué de moitié au cours des cinq dernières années, sans fermeture de site. Il s'agit simplement de fusions de conseils d'administration, de structures faîtières ! », précise-t-il.
Depuis le 1er janvier 2020, chaque hôpital en Belgique doit faire partie d’un seul réseau hospitalier locorégional. Le pays compte 25 réseaux : 13 en Flandre, 8 en Wallonie et 4 à Bruxelles. Pourtant, la manière dont ces réseaux organisent l'offre de soins reste floue. Cela a laissé place à des accords bilatéraux entre hôpitaux, souvent en dehors des réseaux formels.
Des fusions motivées par les réalités du terrain
En Wallonie, bien que les réseaux existent, les regroupements se multiplient dans des secteurs comme les centrales d'achats intraréseaux ou la collaboration sur certains soins spécifiques. Par exemple, le CHR de Verviers et le centre hospitalier Reine Astrid de Malmedy ont fusionné, avec un conseil d'administration unique. Ces initiatives traduisent un besoin de flexibilité pour répondre aux réalités locales, souvent hors du cadre strict des réseaux hospitaliers.
Le Dr Devos explique que la multiplication des fusions est due à l’échec des réseaux à résoudre les problématiques de terrain. « Les structures qui ont trouvé logique d’avoir une politique territoriale forte mais qui ne se retrouvaient pas dans les réseaux ont été progressivement amenées à fusionner. »
Un système de financement pervers
Le principal frein au bon fonctionnement des réseaux est le manque de confiance entre les différents acteurs, selon le Dr Devos. « Historiquement, chaque établissement fait concurrence à l’autre, nourrie par un système de financement pervers : si l'hôpital voisin prend en charge plus de patients, vous recevrez moins d'argent pour soigner le même nombre de patients. » Ce système pousse les hôpitaux à se regrouper pour limiter les risques financiers imprévus. « La seule solution pour éviter ces difficultés est de fusionner pour avoir moins de concurrents », ajoute-t-il.
Cela a conduit à l’émergence de grandes structures, comme le CHC MontLégia à Liège ou le CHU de Charleroi – Hôpital civil Marie Curie, regroupant plusieurs sites dans une logique de consolidation.
Valider les initiatives issues du terrain
D'autres facteurs, tels que la pénurie de personnel et la nécessité d’atteindre des seuils dans différents programmes de soins, ont également encouragé les regroupements. Les hôpitaux cherchent à réaliser des économies d’échelle en regroupant, par exemple, leurs achats de matériel. Cependant, le Dr Devos souligne que des obstacles législatifs subsistent, notamment pour fusionner certains services, comme les pharmacies hospitalières.
Il met en garde contre les fusions motivées uniquement par des raisons financières : « Constituer un réseau pour réaliser des fusions dans un objectif exclusivement financier, sans s’assurer que les médecins et les directions veulent aller dans la même direction, ce sont des fusions qui ne tiendront pas dans le temps. » Le Dr Devos plaide pour valider les collaborations issues du terrain, même si elles ne s’inscrivent pas dans les réseaux officiels.
Le défi de la connexion avec la première ligne
Le Pr Jean Macq, professeur de santé publique à l’UCLouvain, alerte sur un autre défi : « Le premier problème des grandes structures est que vous perdez le contact avec l’extrahospitalier. On construit de grands hôpitaux mais on s’éloigne de la première ligne. » Il souligne que l’enjeu est de maintenir des réseaux bien connectés à de plus petites entités pour préserver ce lien essentiel avec les soins de proximité.