Vaccination : Les hôpitaux psychiatriques bruxellois oubliés

Alors que les hôpitaux psychiatriques wallons ont commencé à vacciner depuis plus de 10 jours leur personnel, les mêmes hôpitaux à Bruxelles sont toujours sans vaccin. La Cocom annonce une réunion ce soir avec « les hôpitaux bruxellois y compris les psychiatriques » pour avancer sur ce problème. Le point avec le Dr Caroline Depuydt, psychiatre.

 Le Dr Caroline Depuydt psychiatre, cheffe de service à l’hôpital d’accueil spécialisé Fond’Roy (absl Epsylon) n’accepte plus cette situation : « Évidemment, j’ai conscience que les autorités font ce qu’elles peuvent. Si elles avaient assez de vaccins, on en bénéficierait sans doute plus rapidement. Toutefois, la spécificité du personnel de soins en psychiatrie n’est pas assez prise en compte. C’est vexant. J’ai des travailleurs dans mon unité qui sont à leur deuxième covid symptomatique ».  Cela amène de l’absentéisme et des réorganisations des services. Les autres membres du personnel doivent donc travailler plus. 
Réunion ce lundi soir
Interrogé sur cette question, la Cocom, Commission communautaire commune, a répondu aux interrogations du secteur : « Le retard de vaccination dans les hôpitaux psychiatriques bruxellois est bien dû au retard de livraison des vaccins. Une réunion est prévue ce soir entre la Cocom et les hôpitaux bruxellois, y compris psychiatriques pour aborder cette question et y répondre au mieux. »
Que se passe-t-il sur le terrain ? Caroline Depuydt fait le point. 
Pas de vaccin : ” A Bruxelles, pour les hôpitaux psychiatriques, on nous a dit que l’on était dans le même lot que les hôpitaux généraux... mais on n’a toujours pas reçu de vaccin. On nous dit qu’il y a des difficultés d’approvisionnement et qu’il faut vacciner en priorité le personnel de première ligne des urgences des hôpitaux. Pourtant, on apprend qu’il y a des employés des back-offices des hôpitaux universitaires qui ont déjà été vaccinés. Il y a là des incohérences. ”
Trois vaccins ? La cacophonie. On nous dit qu’on va recevoir des vaccins à partir du 22 février..... Plusieurs types de vaccins pourraient arriver en même temps : Pfizer, Moderna et Astrazenaca. On devra tenir compte de différents paramètres : les plus de 55 ans, les moins de 55 ans, le tout sur des modalités d’arrivée qui ne sont pas précisées... Cela ne va évidemment pas faciliter la communication et l’adhésion du personnel : pourquoi moi, je reçois tel vaccin et pas tel autre... Cela va amener une cacophonie et une difficulté de la gestion des doses. Pour les vaccins Pfizer et Moderna, on dépend d’un hub. Pour Astrazeneca, ce n’est pas le cas. On a prévu une collaboration avec la médecine du travail sur 3-5-10 jours suivant les cas pour que nos équipes soient vaccinées. ” 
Pourquoi le vaccin Astrazeneca ? ”Proposer le vaccin Astrazena au personnel soignant, je trouve cela très étonnant. Il s’agit d’un vaccin qui a une efficacité moindre. En outre, cette efficacité n’arrive qu’avec la seconde dose alors qu’elle n’est administrée qu’après 12 semaines. Cela veut dire que l’on a une efficacité de 85% qu’après 12 semaines. On laisse donc les travailleurs de la santé sur le terrain pendant ce temps sans la meilleure protection avec un vaccin qui provoque plus d’effets secondaires que les autres. Même en France, la Haute Autorité de la santé a dit qu’il fallait échelonner la vaccination du personnel de la santé avec le vaccin Astrazeneca parce qu’il amène tellement d’effets secondaires qu’il provoque des absences importantes dans les services....sans oublier une efficacité limitée sur les variants. De son côté, la Task force vaccination nous dit qu’elle va faire un webinaire sur la vaccination Astrazenaca. Elle ajoute qu’il n’y a pas plus d’infections chez le personnel soignant et qu’il ne faut pas s’inquiéter. Pour toutes ces raisons, ce vaccin, bien que sûr et avec son efficacité propre, ne me semble pas être le choix le plus approprié pour le personnel de soins de santé. Mais au bout du compte, un vaccin vaut mieux que rien du tout et il nous faudra bien nous adapter à ce que nous recevons. ”
Des patients en plus et un risque accru : ” Les patients psychiatriques ne sont pas non plus reconnus dans les listes de comorbidités. Ils sont oubliés. Pourtant, on parle de la santé mentale partout. On parle tellement de la santé mentale que l’on oublie la médecine psychiatrique. On a une augmentation des demandes des patients en santé mentale, tant en consultation, qu’à l’hôpital. On a, en plus, un énorme Turn over qui amène un risque accru d’être confronté au virus. Tout cela n’est pas pris en compte par les autorités depuis le début. La réalité de terrain quotidienne n’est pas reconnue par les responsables politiques et sanitaires.” 
Bruxelles, l’échec : « Bruxelles est à 2,40% de la population vaccinée alors qu’ailleurs, en Belgique, on est à 4,15%. Je me demande comment à Bruxelles, on a pu avoir autant de retard par rapport au reste de la Belgique. Il y a presque 2% de différence. Comment est-ce possible ? Cette différence de 2% cela concerne 20.000 personnes. Cela pourrait être nous. C’est donc la double peine.» 
Pourquoi une seule dose ? « La réflexion actuelle de ne donner qu’une dose aux personnes qui ont déjà eu le covid, cela me paraît absurde. Sur le terrain, je doute que les personnes, qui vont recevoir qu’une dose, soient suffisamment vaccinées. Que va-t-il se passer si elles sont confrontées à un variant ? » 

 

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