Comment ces consultations, où le dispositif technologique occupe une place importante, reconfigurent-elles concrètement la relation thérapeutique et les pratiques médicales ? La réponse surprenante et inattendue de l'expérience de psychiatres.
Si elles ne constituent encore qu’une part très marginale des actes médicaux, les téléconsultations tendent à se développer. Comment ces consultations, où le dispositif technologique occupe une place importante, reconfigurent-elles concrètement la relation thérapeutique et les pratiques médicales?
Si le droit suit les pratiques pour leur donner un cadre juridiquement sécurisé, la sociologie axe sa réflexion sur la reconfiguration sociale qu’induit l’usage de la télémédecine. Ainsi le professeur Alexandre Matthieu-Fritz a étudié les téléconsultations en santé mentale pour analyser l’intégration des nouveaux dispositifs à la pratique médicale et ses répercussions sur les identités professionnelles. Ces dispositifs qui permettent d’outrepasser l’isolement des malades des zones médicalement désertées, ou aux expatriés d’être traités dans leur langue et selon des références culturelles communes sont, pour l’heure, en phase d’appropriation, par les psychiatres -toutes orientations confondues (psychanalyste, humaniste, comportementaliste).
Ce seul point mérite d’être relevé, dans la mesure où il apparaît d’une part que les professionnels qui recourent à la téléconsultation reflètent la population générale des psychiatres et, d’autre part, que le type de prise en charge qu’ils proposent n’est pas perçue comme «sensible» au dispositif.
En revanche, la téléconsultation inaugure de nouvelles pratiques qui intègrent les contours du e-commerce et demande aux professionnels d’adopter une identité numérique ainsi que de s’inscrire dans un jeu de concurrence inédit avec leurs confrères, fonction de l’accessibilité, de la disponibilité, du coût, de l’évaluation par les patients, etc.
Les praticiens doivent également s’approprier une interaction qui s’appuie sur un dispositif technique visiophonique, et est largement tributaire de sa qualité et de sa fiabilité. De ce point de vue, soulignons qu’alors qu’on s’interroge fréquemment sur la gouvernance algorithmique de la télémédecine, on tend à minimiser sa gestion matérielle, c’est-à-dire les besoins en moyens humains que ces dispositifs nécessitent suscitant d’ailleurs de nouveaux métiers tels que télé-consultants, ingénieurs analystes des données, etc.
En pratique, la téléconsultation implique d’apprivoiser la coexistence de deux lieux différents offerts en images à deux dimensions. Pour les professionnels, ce format de consultation génère une impression de distance déstabilisante eu égard à la rencontre au cabinet médical, souvent attentive à l’expression corporelle. Mais, en retour, ce sentiment de distance semble paradoxalement faciliter une proximité thérapeutique inattendue, comme si la distance produisait une désinhibition sociale et libérait la parole.
En santé mentale, cet aspect doit influencer positivement la qualité de la relation thérapeutique et ses résultats.
S’il est, pour le moment, difficile d’évaluer correctement les résultats cliniques faute d’études de «psychiatrie-psychologie par les preuves» en nombre suffisant, il semble qu’ils soient aussi bons que ceux obtenus en pratique classique.
Le numérique et le virtuel n'appauvrissent pas les relations sociales mais changent leur nature. Le service à l'humain doit s'adapter à une nouvelle forme de dialogue et trouver ses marques, ni pires ni meilleures qu'avant, juste différentes.@B_Hf_T @dr_wardsam @JdS_SK @Vclaes66
— Karolien123 (@Karolien1231) 24 avril 2018
Expérience passionnante voire passionnée vécue il y a dix ans avec Skype : l’accompagnement de l’agonie d’un ami puis du deuil de sa veuve seuls au monde, loin, très loin d’ici. L’absence physique décuple la présence verbale et la force du regard. Éblouissant.
— David SIMON (@Freedoc_be) 24 avril 2018
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