Avec deux enveloppes de 11 millions d’euros pour 2016 et 2017, Rudy Demotte vient de régler le financement de l’entretien et de l’équipement des installations des hôpitaux universitaires. Le nouveau Plan Prévot (qui vient d'être adopté) aide aussi les hôpitaux... mais sans vision commune. Une aberration alors que les caisses sont vides et qu’on parle chaque jour de rationalisation...
Le secteur hospitalier à Bruxelles et en Wallonie représente un important vivier de compétences médicales et d’emplois et est financé par différents mécanismes. Depuis le 1er janvier 2016, suite à la 6e réforme de l’Etat, la Fédération Wallonie-Bruxelles est seule habilitée pour financer les investissements des Hôpitaux universitaires (frais de construction, de reconditionnement, d’équipement et d’appareillage). Le gouvernement a dégagé un montant total des subventions relatives à l’entretien des infrastructures : 11 millions d’euros. Ce dernier est réparti en fonction du rapport entre le nombre de lits justifiés et de lits Sp de chaque hôpital au 1er janvier de l’année considérée et le nombre total des lits justifiés et des lits Sp à la même date dans l’ensemble des hôpitaux universitaires : le Centre hospitalier universitaire de Liège, les Cliniques universitaires Saint-Luc à Woluwé-Saint-Lambert, les Cliniques universitaires Dinant-Godinne, l’Hôpital Erasme à Anderlecht.
Institutions | 2016 | 2017 |
CHU Liège | 2.320.498 euros | 2.698.842 euros |
St-Luc | 3.483.938 euros | 3.426.096 euros |
CHU Dinant-Godinne | 1.459.109 euros | 1.406.858 euros |
Hôpital Erasme | 3.736.455 euros | 3.468.204 euros |
Pour rappel, le décret-programme du 10 décembre 2015 a abrogé, au 1er janvier 2016, la législation fédérale précédemment applicable. «Cette abrogation a permis de sortir les montants relatifs aux anciens forfaits du Fédéral de la mécanique de gestion des charges du passé des hôpitaux, imputées elles automatiquement par le fédéral en déduction de la dotation, et toujours en cours de discussion. La question du financement des travaux de construction, de reconstruction et de reconditionnement des installations fait toutefois encore l’objet d’une analyse approfondie, notamment compte tenu des normes de comptabilisation européennes (SEC 2010) en matière d’investissement», souligne-t-on à la Fédération.
Prévôt pointé du doigt
Si ces 11 millions (voir la répartition dans le tableau ci-dessus) sont très bien accueillis par les responsables des hôpitaux universitaires, ils restent insuffisants à long terme. Ils attendent en effet un effort également des Régions. «Nous avons été associés aux réunions et depuis plus rien. On pouvait s’attendre à plus de prise de hauteur dans ce dossier de la part du ministre Prévot. Il avait tout à y gagner. Il pouvait favoriser une meilleure cohésion entre les réseaux... entre les hôpitaux universitaires et non-universitaires», note ce directeur d’hôpital.
Le nouveau Plan de financement des infrastructures hospitalières et des maisons de repos n’aura pas de vision transversale en tout cas selon l’un des responsables d’un autre hôpital universitaire : «C’est d’autant plus incompréhensible que le ministre Marcourt siège dans les deux exécutifs. Il a conscience de l’importance de ne pas laisser de côté les hôpitaux universitaires. Il ne peut toutefois pas bloquer le dossier wallon pour cette seule raison. On est en train de rater une occasion de mener une véritable réforme de fond et qualitative pour les patients et les médecins.»
Pour un autre acteur du dossier, gestionnaire financier d’un hôpital universitaire, la principale peur réside là justement : «Je ne suis pas pour faire de grands discours. Soyons concret et direct. Si le ministre Prévot ne soutient pas un peu la construction à notre niveau, nous n’allons pas pouvoir garder la qualité des soins....en effet, une partie de notre argent devra aller à la construction et n’ira donc pas dans l’amélioration des soins...ou dans l’emploi.»
Est-ce une révolte de façade de certains intervenants du monde hospitalier universitaire ? «Il n’y a pas de petits jeux. Juste des faits», ajoute ce médecin-chef wallon. «Ce que nous devons craindre à terme, si le plan du ministre Prévot ne va pas un peu plus dans un sens transversal, ce sont des difficultés au niveau de l’emploi. C’est inéluctable. Actuellement, les résultats opérationnels des hôpitaux universitaires sont ce qu’ils sont.»
Jeu de pouvoirs locaux
Pour ce dernier, «il est profondément incohérent que dans un si petit espace de 5 millions d’habitants, il n’y ait pas un vrai grand plan hospitalier ! Chacun, à la Fédération Wallonie Bruxelles et en Wallonie, dégage des millions à une semaine d’intervalle sans concertation. Nos bassins de soins sont interdépendants. Aucune cohérence sur les systèmes, les plafonds...alors que tout le monde nous parle tous les jours de rationalisation. De qui se moque-t-on ? Et qui paiera à la fin ? Le patient!»
Surpris de la tournure du dossier, un député wallon écologiste se dit aussi déçu : «On sait que le ministre Prévot doit tenir compte des dossiers du CHC et de GHDC. Cela l’empêche de pouvoir mener une politique plus volontariste en matière hospitalière. Pourtant, il en avait les épaules. C’est un CDH différent des autres.»
«La politique» reprendrait donc le dessus sur «la santé» ? Un administrateur hospitalier MR ne cache pas la complexité du dossier. «Ce ne serait pas mieux avec nous au gouvernement. Pourtant, pour la première fois que nous (francophone) pouvions gérer la compétence, nous avions l’occasion de mener une véritable réforme commune ! Ici, ce n’est pas le CDH qui bloque. Il y a des «pour» au PS comme au CDH et des «contre» dans les deux partis aussi. Certains restent encore trop attachés à leur petit territoire. Des baronnies dépassées si on veut garantir des soins de santé de qualité à long terme.»